jeudi 18 octobre 2018

Le photographe Ara Güler désormais immortel...



C’est avec beaucoup de tristesse que l’on vient d’apprendre le décès hier soir mercredi 17 octobre, d’Ara Güler, célèbre photographe arménien de Turquie, dont tous les Stambouliotes connaissaient le visage, puisqu’on pouvait souvent le voir, à Beyoglu, dans le café portant son nom.


Né à Istanbul en 1928, Ara Güler, Aram Güleryan de son vrai nom, après des études secondaires au lycée arménien de Getronagan, puis une faculté d’économie à l’Université d’Istanbul, envisageait de devenir metteur en scène pour le théâtre ou le cinéma.


Mais un travail de reporter au journal Yeni Istanbul confirme sa passion pour la photographie.


En 1953, il rejoint l’Agence Magnum de Paris puis prend place dans la liste des sept meilleurs photographes du monde publiée par « l’Anthologie de la photographie » en Angleterre ; il sera aussi le premier Turc à devenir membre du « Cercle des Photographes américains ». Directeur de la photo du magazine turc Hayat Dergisi,  à partir de 1954, il travaillera ensuite pour de nombreuses  revues comme Time-Life, Paris-Match, Der Stern.


En 1958, ayant découvert par hasard les ruines d'Aphrodisias,  qui servaient de carrière de pierres aux habitants d'un village isolé, il les photographie, en envoie un exemplaire aux Etats-Unis, ce qui permettra au monde entier de découvrir ce trésor archéologique, désormais classé sur la liste du Patrimoine mondial de l'Unesco ; une exposition intitulée "Le cri d'Aphrodisias" dévoilera les clichés du site alors inconnu.



Son talent est désormais reconnu dans le monde entier et en 1962, l’Allemagne lui décerne le prix « Master of Leica » ; la revue suisse Camera lui consacre un numéro ; en 1967, l’anthologie japonaise « « Photographes du monde » publie ses clichés et il participe encore à de nombreuses expositions internationales au Canada, à New-York, à Cologne, pour ne citer que les exemples les plus connus.


A partir de 1970, ses clichés constituent la référence absolue sur la Turquie et il est un des photographes les plus célèbres du monde si bien que c’est lui qui réalise pour la maison d’édition suisse Skira en 1972, les photos du livre « Picasso et ses métamorphoses », à l’occasion des 90 ans du grand peintre. Accumulant les honneurs, il reçoit en 1979 le « Grand Prix de photo de l’Association des journalistes turcs ».


En 1980, une partie de ses photos sont publiées en livre, en turc puis en anglais.


Il a participé à  la création de nombreux albums et effectué des reportages-photos  avec des personnalités, comme  Ismet Inönü, Winston Churchill, Indira Ghandi, , Bertrand Russel, Bill Brandt, Alfred Hitchcock, Salvador Dali et Picasso.


En 1992, le livre d’Ara Güler « Sinan, architecte de Soliman le Magnifique » est publié en français et en anglais ; la même année, il réalise aussi le livre Living in Turkey puis en français, Demeures ottomanes de Turquie.


n 2004, pour la sortie de mon roman La Sultane Mahpéri, Ara Güler m’avait donné l’autorisation d’employer sa photo de l’ange en pierre de la citadelle de Konya pour la première couverture de mon livre.

En août 2018, pour ses 90 ans, consacré de son vivant, Ara Güler assis à l’inauguration du « Musée Ara Güler » à Bomonti,  Istanbul.

Ce grand artiste, très aimé en Turquie, célèbre pour ses nostalgiques clichés noir et blanc, laisse en héritage un témoignage inoubliable sur un Istanbul aujourd’hui disparu. C’est pourquoi, son œuvre est déjà immortelle…





lundi 8 octobre 2018

Festival du Livre de Mouans-Sartoux 2018 : Boualem Sansal le preux...


« Preux, magnanime, humaniste, intrépide, chevalier sans peur et sans reproche », tels sont les qualificatifs qui se présentent à mon esprit lorsque je pense à l'écrivain Boualem Sansal.

Il y a bien longtemps que j’apprécie son œuvre, au point même d’avoir mis au programme du Bac de français, dans une de mes classes de Première, son roman Le Village de l’Allemand.

La causerie à laquelle il a participé cet après-midi au Festival du Livre de Mouans-Sartoux 2018 était à la hauteur de son talent. Car Boualem Sansal s'exprime avec passion et conviction... 




Au sujet de son dernier roman, Le Train d’Erlingen

L’auteur explique que son dernier roman aurait dû constituer le deuxième tome de sa trilogie entamée avec Gouverner au nom d’Allah, en 2013 et poursuivie avec 2084, en 2015 (inspiré du 1984 de Orwell), qui était destiné à en être le troisième volet. Mais comme il a écrit en même temps les deux derniers, précise-t-il, « main gauche main droite » et que le 3e était terminé avant le 2e

Le roman, sous-titré « La Métamorphose de Dieu », est essentiellement constitué de lettres, notes diverses et notes de lecture, racontant la lutte contre un danger qui ne porte pas de nom…



La genèse de la Trilogie

En 2006, Boualem Sansal a été contacté par le gouvernement allemand qui lui demandait de venir donner des conférences sur le monde arabe et l’Islam, afin que des diplomates partant en poste puissent mieux comprendre l’univers dans lequel ils allaient vivre. Le livre Gouverner au nom d’Allah est la synthèse de ces interventions.

« Pieds noirs, pieds rouges et pieds verts »

Retraçant l’histoire des dernières décennies de l’Algérie, Boualem Sansal la résume par la métonymie des pieds de couleur différente : après le départ des « pieds noirs », sont arrivés les « pieds rouges » ; l’état s’effaçait, le peuple gouvernait lui-même et cette situation a attiré tous les militants de gauche du monde entier, dont beaucoup d’intellectuels français ; dans la foulée sont venus de nombreux « révolutionnaires » de tous bords, au point que la ville d’Alger a pu être surnommée « La Mecque de la révolution ».  Sont alors apparus les « pieds verts », des prédicateurs islamistes du Yemen. Puis, avec le coup d’état de Houari Boumediene en 1965 les « pieds rouges » ont disparu mais les « pieds verts » sont restés et le paysage a pris leur couleur vert entre 1970 et 1980. A cette époque, les gens ne comprenaient pas vraiment ce qui se passait car apparaissait une nouvelle conception de l’islam ; alors qu’ils étaient musulmans et avaient été élevés dans cette religion, ils ne reconnaissaient plus la religion de leur enfance dans ces théories inédites et se posaient la question : « Est-ce cela l’Islam  ? »  Ils ne parvenaient pas à désigner ce nouveau concept religieux, ils appelaient les extrémistes les « égarés », ils n'arrivaient pas à nommer. Ils se trouvaient dans la même position que les Indiens quand les colons sont arrivés en Amérique…



Idées en vrac…

Boualem Sansal se déclare admirateur de Thoreau et de son concept de « désobéissance civile », consistant à refuser de se soumettre à une loi jugée injuste et à la combattre de façon pacifique…



Au sujet de la censure, il pense que 99 % des écrivains la pratiquent sous des formes différentes : soit celle de l’autocensure, soit celle de la censure exercée par un éditeur qui demande la suppression de certains passages soit celle des institutions, qui par exemple, peuvent faire retirer de l’affiche un film trop porteur de polémiques…

Ce que souhaiterait l'auteur : que tout le monde soit assez adulte et mature pour s'asseoir autour d'une table et discuter sereinement et librement de toutes les religions... 

Ce résumé ne rend compte que de quelques sujets abordés par l’auteur, tant l’entretien était riche et captivant pour l’auditoire.

Souhaitons à Boualem Sansal d’écrire encore de nombreux chefs-d'oeuvre, qui sont chacun comme un navire dont il tient fermement le gouvernail dans la tempête…


  

dimanche 7 octobre 2018

Festival du Livre de Mouans-Sartoux 2018 : Bernard Werber et ses vies antérieures


Les rencontres avec Bernard Werber constituent toujours des événements-phares : il présentait aujourd’hui, au Festival du Livre de Mouans-Sartoux, son dernier roman, La Boîte de Pandore.
Le sujet : un professeur d’histoire, Toledano, suite à la pratique de l'hypnose régressive, revoit le film de ses vies antérieures…




Plutôt que de procéder à l’analyse littéraire de son roman, l’auteur a choisi de nous en livrer les arcanes en témoignant sur sa propre expérience de l’hypnose régressive : c’est ainsi qu’il  a raconté deux de ses expériences de « vies antérieures » : l’époque où, au XIIe siècle, il était un archer anglais engagé dans une guerre dont il ne connaissait ni les tenants ni les aboutissants et une autre, en 330 Av. J-C, où il s’incarnait dans une femme vivant dans un harem en Egypte mais délaissée par son sultan et se livrant avec un eunuque à l’observation des étoiles !




111 Vies antérieures !

Bernard Werber affirme avoir vécu 111 vies et se trouver dans la 112ème. Mais la plupart de celles qu’il a revues, dit-il, n’étaient pas très intéressantes et surtout passablement ennuyeuses. Il précise que certaines d’entre elles sont traumatisantes et ne donnent pas envie d’aller leur rendre visite mais que l’on peut en tirer des enseignements précieux afin de mieux comprendre notre vie présente ; c’est parce qu’il regrettait, dans ses précédentes existences, de n’avoir appris ni à lire ni à écrire qu’il est devenu écrivain dans sa vie actuelle…
Bernard Werber croit en l’hypnose régressive, du moins pour lui-même, car il clame haut et fort ne détenir aucune vérité.

Aux sceptiques de la salle ne partageant pas ses convictions, il répond par une pirouette en affirmant que l’hypnose ne marche que si l’on y croit…

Nulla dies sine linea

Il écrit chaque jour de 8h à 12h30, ce qui lui permet de publier un livre par an. Il affirme beaucoup retravailler et peaufiner ses écrits, dont il n’apprécie pas toujours le premier jet : « Chaque fois que je fais un livre, je fabrique un monde, il s’effondre, je répare » commente-t-il. Son souhait n’est pas seulement de distraire le lecteur mais aussi de lui apprendre "quelque chose" et de le faire réfléchir.

A la fin de la causerie, Bernard Werber demande au public : est-ce que je n’ai pas été trop délirant ? Mais non, cher écrivain, continuez à « délirer », pour le plus grand plaisir de vos lecteurs et lectrices !