Article de Gisèle Durero-Koseoglu
J’adore Flaubert. Lorsque j’étais jeune fille, c’est la lecture des deux versions de L’Education sentimentale qui m’a procuré un des plus grands plaisirs de lecture de ma vie.
J’adore Flaubert. Lorsque j’étais jeune fille, c’est la lecture des deux versions de L’Education sentimentale qui m’a procuré un des plus grands plaisirs de lecture de ma vie.
Il y a une maladie
contagieuse chez les écrivains, connus ou moins connus : la “gustavite” !
Alors, étant
fanatique de l’Ermite de Croisset, je possède à peu près tous les livres ayant
paru sur lui ou toutes les cartes postales anciennes le représentant. …
Bref, cela
implique aussi que je me suis amplement
penchée sur sa vie sentimentale.
Flaubert à seize ans : Le fou d'Elisa !
Comme il nous le raconte avec un romantisme exacerbé dans
Novembre ou dans Les Mémoires d’un fou, deux œuvres de jeunesse que Flaubert
“reniera” par la suite, l’année de ses seize ans, sur une plage de Trouville,
Gustave tombe fou amoureux d’Elisa Schlesinger. Notez quand même que la
première fois qu’il la voit, Elisa est en train d’allaiter son bébé. Mais voilà
qui ne décourage pas notre cher futur Flaubert (les écrivains et artistes ont une
sensibilité légèrement différente de celle des autres hommes, ce n’est pas la
première fois qu’on en fait la remarque …)
Au fait, comment est-elle, notre Elisa : très belle d’un
point de vue très subjectif car Flaubert lui reconnaît certains défauts, elle a
des kilos en trop (qu’il nomme par euphémisme un “flou artistique” et même un
duvet un peu trop prononcé sur la lèvre supérieure !
Flaubert adolescent par Delaunay
Gravure
représentant Elisa Schlésinger et sa fille
N’empêche ! Elle deviendra pour une dizaine d’années sa
“chambre royale”.
Pas de chambre pourtant dans cette histoire, il ne s’est
jamais rien passé entre eux. Cependant, la scène de L’Education Sentimentale où Frédéric Moreau attend Madame Arnoux
dans un studio et où finalement elle ne vient pas, me semble bien
autobiographique ! Nous aurais-tu menti, Gustave ? Aurais-tu tenté en vain le
tout pour le tout ? Toujours est-il que Gustave écrira souvent des lettres à
Elisa. Agé, il lui écrit encore ; elle finira par avouer qu’elle n’avait pas,
jadis, été insensible au charme du jeune
Gustave mais que mariée et plus âgée que lui… Ah, les âmes-sœurs qui se ratent !
Louise la mégère et
Gustave le misogyne !
L’année de ses vingt-cinq ans, en 1846, l’existence de Gustave
est déchirée par deux drames. La mort de son père et celle de sa jeune sœur Caroline.
Flaubert à 25
ans, daguerréotype découvert il y a quelques années
Alors qu’il se rend à Paris chez le sculpteur Pradier
pour faire réaliser le buste de Caroline, Gustave fait la connaissance de “La
Muse”, Louise Colet, femme de lettres célèbre (un peu pour ses livres… beaucoup
pour ses amants). Très belle, elle pose pour Pradier.
Louise Colet en Penserosa ( nom d’un de ses poèmes) en 1837 par Pradier |
Coup de foudre réciproque ! Une grande passion s’en suit.
Mardi soir, minuit. 4 Août 1846.
Il y a douze
heures, nous étions encore ensemble ; hier à cette heure-ci, je te tenais dans
mes bras... t'en souviens-tu ? Comme c'est déjà loin ! La nuit maintenant est
chaude et douce ; j'entends le grand tulipier, qui est sous ma fenêtre, frémir
au vent et, quand je lève la tête, je vois la lune se mirer dans la rivière.
Tes petites pantoufles sont là pendant que je t'écris ; je les ai sous les
yeux, je les regarde. Je viens de ranger, tout seul et bien enfermé, tout ce
que tu m'as donné ; tes deux lettres sont dans le sachet brodé ; je vais les
relire quand j'aurai cacheté la mienne... lui écrit-il.
Seulement, voilà,
Gustave n’aime pas qu’on le dérange dans son travail ! La correspondance
enflammée échangée entre les deux amants vire vite à vilain petit jeu de
“reproches de Louise-justifications de Gustave” ! Louise se sent mal aimée, Gustave étouffe
sous ce « trop d’amour ».
Tu as voulu, toi,
tirer du sang d’une pierre. Tu as ébréché la pierre et tu t’es fait saigner les
doigts. Tu as voulu faire marcher un paralytique, tout son poids est retombé
sur toi et il est devenu plus paralytique encore… »
Finalement, déçue par ce qu’elle appelait la « monstrueuse personnalité » de Gustave,
Louise finit par le tromper et se retrouva enceinte de son amant ! Cette nouvelle mit le point final à leur première liaison.
« La vérole est moins à craindre que la
passion”.
Flaubert part
oublier en Orient. Et oublie bien. Se console avec beaucoup de femmes, dont la
fameuse courtisane Kuçuk Hanım, qui danse devant lui avec le “bas du corps caché par ses immenses
pantalons roses, le torse tout nu couvert d'une gaze violette ». De retour, il
entame avec Louise une seconde liaison. Mais le charme est rompu. Les scènes de
jalousie et les crises de possession de Louise le lassent. D’autant plus que
Louise, devenue veuve, n’a de cesse de
vouloir se s’installer à Croisset, voire de faire épouser par Flaubert. C’est
est trop pour “l’homme-plume”.
D'ailleurs, tous
ses amis le lui disent : Louise est une mégère, une harpie !
Du haut de sa belle
misogynie, voilà comment il la congédie, le 6 mars 1655 :
J’ai appris que vous vous étiez donné la piene de
venir hier, dans la soirée, trois fois, chez moi. Je n’y étais pas. Et dans la
crainte des avanies qu’une telle persistance de votre part pourrait vous
attirer de la mienne, le savoir-vivre m’engage à vous prévenir : que je
n’y serai jamais.
Louise se vengea
en mettant en scène Gustave dans son livre, Lui.
De ce fait, la
postérité n’a cessé de vilipender la muse ; mais moi, je l’adore et je
collectionne ses livres ! Comment pourrais-je ne pas aimer celle qui a eu
l’honneur d’être aimée par Gustave !
Louise Colet et sa fille
Voir aussi mon article : Gustave Flaubert, l'homme-plume né le 12 décembre 1821
Flaubert, l'homme-plume né le 12 décembre 1821
Voir aussi mon article : Gustave Flaubert, l'homme-plume né le 12 décembre 1821
Flaubert, l'homme-plume né le 12 décembre 1821
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