Au XVIIIe siècle, la robe de chambre, vêtement
d’intérieur confortable et décontracté, semble être la tenue préférée de
nombreux philosophes. C’est le cas de Denis Diderot, qui adopte une robe de
chambre bleue qu’il revêt durant les longues heures de travail acharné nécessaires
à l’Encyclopédie, de 1747 à 1765.
Diderot par Van Loo en 1767
Seulement voilà ! En 1767, le peintre Van Loo peint Denis
revêtu de sa tenue fétiche mais ce dernier n’aime pas le portrait ; il ne se
trouve pas l’air d’un philosophe mais
celui “d’une vieille coquette qui
fait encore l’aimable !”
“Que diront mes
petits-enfants, lorsqu'ils viendront à comparer mes tristes ouvrages avec ce
riant, mignon, efféminé, vieux coquet-là ? » s’écrie-t-il.
Sur ces entrefaites, Madame
Geoffrin, la célèbre salonnière qui a aidé au financement de l’Encyclopédie et
participé à la diffusion des idées des Lumières en recevant tous les lundis les intellectuels de l’époque
dans son hôtel de la rue Saint-Honoré, fait remplacer un jour, en l’absence de
Denis, tous les vieux meubles du philosophe
par du mobilier moderne et surtout, met à la poubelle sa vieille robe de
chambre bleue pour lui substituer une luxueuse robe de chambre en soie écarlate
!
Le salon de Madame Geoffrin en 1755 |
Pour ne pas être impoli, Diderot la
revêt. Mais il ne cessera de se pleurer sa vieille robe de chambre usée, à qui,
rétrospectivement, il trouve toutes les vertus.
Sa nostalgie devient
si forte qu’en 1772, il écrit un petit essai intitulé
Regrets sur ma vieille robe de chambre ou avis à ceux
qui ont plus de goût que de fortune
Il en regrette le confort :
Pourquoi ne
l'avoir pas gardée ? Elle était faite à moi ; j'étais fait à elle. Elle moulait
tous les plis de mon corps sans le gêner ; j'étais pittoresque et beau.
L'autre, raide, empesée, me mannequine…
Il la trouvait si pratique pour effacer la poussière des livres ou essuyer les taches d’encre !
Un livre
était-il couvert de poussière, un de ses pans s’offrait à l’essuyer. L’encre
épaissie refusait-elle de couler de ma plume, elle présentait le flanc. On y
voyait tracés en longues raies noires les fréquents services qu’elle m’avait
rendus.
Il trouve que dans la nouvelle, trop somptueuse, il n’a plus l’air d’un
écrivain :
Ces longues
raies annonçaient le littérateur, l'écrivain, l'homme qui travaille. A présent,
j'ai l'air d'un riche fainéant ; on ne sait qui je suis.
Enfin, il est convaincu que sa vieille robe de chambre était en harmonie
avec son décor :
Ma vieille robe
de chambre était une avec les autres guenilles qui m'environnaient…
Alors que le luxe de la nouvelle et de ses meubles neufs détone avec son caractère :
Tout est
désaccordé. Plus d'ensemble, plus d'unité, plus de beauté.
En 1772, peint par Levizky, Denis porte désormais la robe de chambre
écarlate.
Ah, Denis, quelle coquetterie dans
ton refus de la coquetterie !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Souhaitez-vous laisser un commentaire ?