samedi 2 janvier 2016

Diderot. La robe de chambre de Denis Diderot

Au XVIIIe siècle, la robe de chambre, vêtement d’intérieur confortable et décontracté, semble être la tenue préférée de nombreux philosophes. C’est le cas de Denis Diderot, qui adopte une robe de chambre bleue qu’il revêt durant les longues heures de travail acharné nécessaires à l’Encyclopédie, de 1747 à 1765.


Diderot par Van Loo en 1767

Seulement voilà ! En 1767, le peintre Van Loo peint Denis revêtu de sa tenue fétiche mais ce dernier n’aime pas le portrait ; il ne se trouve pas l’air d’un philosophe  mais celui “d’une vieille coquette qui fait encore l’aimable !”

“Que diront mes petits-enfants, lorsqu'ils viendront à comparer mes tristes ouvrages avec ce riant, mignon, efféminé, vieux coquet-là ? » s’écrie-t-il.

Sur ces entrefaites, Madame Geoffrin, la célèbre salonnière qui a aidé au financement de l’Encyclopédie et participé à la diffusion des idées des Lumières en recevant  tous les lundis les intellectuels de l’époque dans son hôtel de la rue Saint-Honoré, fait remplacer un jour, en l’absence de Denis,  tous les vieux meubles du philosophe par du mobilier moderne et surtout, met à la poubelle sa vieille robe de chambre bleue pour lui substituer une luxueuse robe de chambre en soie écarlate !  
Le salon de Madame Geoffrin en 1755




Pour ne pas être impoli, Diderot la revêt. Mais il ne cessera de se pleurer sa vieille robe de chambre usée, à qui, rétrospectivement, il trouve toutes les vertus.
Sa  nostalgie devient si forte qu’en 1772, il écrit un petit essai intitulé

Regrets sur ma vieille robe de chambre ou avis à ceux qui ont plus de goût que de fortune

Il en regrette le confort :

Pourquoi ne l'avoir pas gardée ? Elle était faite à moi ; j'étais fait à elle. Elle moulait tous les plis de mon corps sans le gêner ; j'étais pittoresque et beau. L'autre, raide, empesée, me mannequine…

Il la trouvait si pratique pour effacer la poussière des livres  ou essuyer les taches d’encre !

Un livre était-il couvert de poussière, un de ses pans s’offrait à l’essuyer. L’encre épaissie refusait-elle de couler de ma plume, elle présentait le flanc. On y voyait tracés en longues raies noires les fréquents services qu’elle m’avait rendus.

Il trouve que dans la nouvelle, trop somptueuse, il n’a plus l’air d’un écrivain :

Ces longues raies annonçaient le littérateur, l'écrivain, l'homme qui travaille. A présent, j'ai l'air d'un riche fainéant ; on ne sait qui je suis.

Enfin, il est convaincu que sa vieille robe de chambre était en harmonie avec son décor :

Ma vieille robe de chambre était une avec les autres guenilles qui m'environnaient…

Alors que le luxe de la nouvelle et de ses meubles neufs détone avec son caractère :

Tout est désaccordé. Plus d'ensemble, plus d'unité, plus de beauté.

En 1772, peint par Levizky, Denis porte désormais la robe de chambre écarlate.





Ah, Denis, quelle  coquetterie dans ton refus de la coquetterie !


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