samedi 16 septembre 2017

Irvin Yalom. Le Problème Spinoza ou la mise au ban d'un génie


Article de Gisèle Durero-Koseoglu
Un de mes coups de cœur de l’année est le roman Le Problème Spinoza (2011, 2012 pour la version française aux Editions Galaade), que j’ai lu deux fois à six mois d’intervalle, démarche que j’effectue pour tous les livres que j’aime afin de mieux en extraire la « substantifique moelle »… Cette œuvre d’Irvin Yalom, psychiatre romancier, raconte la façon dont le grand esprit Baruch Spinoza fut  « mis au herem » - c'est-à-dire excommunié- par les rabbins de sa communauté d’Amsterdam pour avoir osé penser différemment et critiquer la Bible.



La construction du roman

La particularité du roman est d’alterner trente-trois chapitres, les uns se passant au XVIIe siècle et consacrés au célèbre auteur de L’Ethique, les autres centrés sur Alfred Rosenberg, sombre personnage historique, grand lecteur de Chamberlain, idéologue du national socialisme et de l’extermination des Juifs, condamné à mort au procès de Nuremberg.



Le titre

Le titre du roman est à double sens : le problème, c’est celui de Spinoza victime d’ostracisme en raison de son rationalisme ; c’est aussi celui d’Alfred Rosenberg, très antisémite, qui découvre que son auteur favori, Goethe, était un passionné de Spinoza, ce qui le plonge dans un dilemme insoluble pour lui : comment Goethe a-t-il pu vouer autant d’admiration à un auteur juif dont il encense l’œuvre,en affirmant qu’elle lui a carrément « changé sa vie » ?
Finalement, Irvin Yalom se livre à la psychanalyse de Rosenberg, devenu obsédé par Spinoza. Les nazis occupent les Pays bas et Rosenberg, chargé de la confiscation des biens des Juifs dans les territoires occupés, va s’approprier la bibliothèque de la maison de Spinoza, pour tenter de résoudre son absurde problème…

Spinoza, héros du roman

Mais le héros du roman est Spinoza, génie précoce, dont l’évolution intellectuelle le conduit à s’éloigner courageusement de ses maîtres, jusqu’à affirmer que  les récits de la Bible sont d’origine humaine, ce qui se solde par sa mise au « herem » définitive l’année de ses 23 ans. La condamnation est terrible. Le texte de l’excommunication infligée le 27 juillet 1656 par le grand rabbin, outragé par la rébellion de celui qu’il considérait comme le plus brillant de ses disciples, fait froid dans le dos : « Qu'il soit maudit le jour, qu'il soit maudit la nuit ; qu'il soit maudit pendant son sommeil et pendant qu'il veille... Veuille l'Eternel allumer contre cet homme toute sa colère et déverser contre lui tous les maux mentionnés dans le livre de la Loi… » Il est désormais interdit à quiconque d’approcher Baruch, voire de le regarder ! C’est ainsi que le génie s’exile de sa communauté et, pour gagner sa vie, se met à tailler des verres de lunettes, tout en écrivant son œuvre magistrale !



L'auteur

Qu’il évoque Nietzsche (Et Nietzche a pleuré), Schopenhauer (La Méthode Schopenhauer)  ou Epicure (Le jardin d’Epicure), Irvin Yalom est un écrivain passionnant car il a l’art de vulgariser la philosophie par le biais des dialogues. Dans sa postface, il explique que les idées placées exprimées par Spinoza dans les conversations sont empruntées au Traité des autorités politique et théologique, à sa correspondance et à L’Ethique. Il précise aussi que c’est en visitant la maison du célèbre penseur à Rijnsburg, aux Pays-Bas, qu’il a eu la « révélation »  à l’origine  de ce livre !




En ce qui me concerne, qu’ai-je fait après avoir lu Le Problème Spinoza ? J’ai cherché dans ma bibliothèque le vieil exemplaire de L’Ethique que le professeur de philosophie nous avait fait acheter lorsque j’étais – jadis, il y a très longtemps - en classe  préparatoire littéraire, et me voilà plongée dans sa lecture…




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