Article de Gisèle Durero-Koseoglu
Un de mes coups de cœur de l’année est le roman Le Problème Spinoza (2011, 2012 pour la version française aux Editions Galaade), que j’ai lu deux fois à six mois d’intervalle, démarche que j’effectue pour tous les livres que j’aime afin de mieux en extraire la « substantifique moelle »… Cette œuvre d’Irvin Yalom, psychiatre romancier, raconte la façon dont le grand esprit Baruch Spinoza fut « mis au herem » - c'est-à-dire excommunié- par les rabbins de sa communauté d’Amsterdam pour avoir osé penser différemment et critiquer la Bible.
Un de mes coups de cœur de l’année est le roman Le Problème Spinoza (2011, 2012 pour la version française aux Editions Galaade), que j’ai lu deux fois à six mois d’intervalle, démarche que j’effectue pour tous les livres que j’aime afin de mieux en extraire la « substantifique moelle »… Cette œuvre d’Irvin Yalom, psychiatre romancier, raconte la façon dont le grand esprit Baruch Spinoza fut « mis au herem » - c'est-à-dire excommunié- par les rabbins de sa communauté d’Amsterdam pour avoir osé penser différemment et critiquer la Bible.
La
construction du roman
La particularité du roman est d’alterner
trente-trois chapitres, les uns se passant au XVIIe siècle et consacrés au
célèbre auteur de L’Ethique, les
autres centrés sur Alfred Rosenberg, sombre
personnage historique, grand lecteur
de Chamberlain, idéologue du national
socialisme et de l’extermination des Juifs, condamné à mort au procès de
Nuremberg.
Le
titre
Le titre du roman est à double
sens : le problème, c’est celui de Spinoza victime d’ostracisme en raison
de son rationalisme ; c’est aussi celui d’Alfred Rosenberg, très antisémite, qui
découvre que son auteur favori, Goethe, était un passionné de Spinoza, ce qui
le plonge dans un dilemme insoluble pour lui : comment Goethe a-t-il pu
vouer autant d’admiration à un auteur juif dont il encense l’œuvre,en affirmant
qu’elle lui a carrément « changé sa vie » ?
Finalement, Irvin Yalom se livre à la
psychanalyse de Rosenberg, devenu obsédé par Spinoza. Les nazis occupent les
Pays bas et Rosenberg, chargé de la confiscation des biens des Juifs dans les
territoires occupés, va s’approprier la bibliothèque de la maison de Spinoza,
pour tenter de résoudre son absurde problème…
Spinoza,
héros du roman
Mais le héros du roman est Spinoza,
génie précoce, dont l’évolution intellectuelle le conduit à s’éloigner
courageusement de ses maîtres, jusqu’à affirmer que les récits de la Bible sont d’origine humaine,
ce qui se solde par sa mise au « herem » définitive l’année de ses 23
ans. La condamnation est terrible. Le texte de l’excommunication infligée le 27
juillet 1656 par le grand rabbin, outragé par la rébellion de celui qu’il considérait
comme le plus brillant de ses disciples, fait froid dans le dos : « Qu'il
soit maudit le jour, qu'il soit maudit la nuit ; qu'il soit maudit pendant son
sommeil et pendant qu'il veille... Veuille l'Eternel allumer contre cet homme
toute sa colère et déverser contre lui tous les maux mentionnés dans le livre
de la Loi… » Il est désormais interdit à quiconque d’approcher Baruch,
voire de le regarder ! C’est ainsi que le génie s’exile de sa communauté
et, pour gagner sa vie, se met à tailler des verres de lunettes, tout en
écrivant son œuvre magistrale !
L'auteur
Qu’il évoque Nietzsche (Et Nietzche a pleuré), Schopenhauer (La Méthode Schopenhauer) ou Epicure (Le jardin d’Epicure), Irvin Yalom est un écrivain passionnant car
il a l’art de vulgariser la philosophie par le biais des dialogues. Dans sa
postface, il explique que les idées placées exprimées par Spinoza dans les conversations
sont empruntées au Traité des autorités
politique et théologique, à sa correspondance et à L’Ethique. Il précise aussi que c’est en visitant la maison du
célèbre penseur à Rijnsburg, aux Pays-Bas, qu’il a eu la « révélation »
à l’origine de ce livre !
En ce qui me concerne, qu’ai-je fait
après avoir lu Le Problème Spinoza ?
J’ai cherché dans ma bibliothèque le vieil exemplaire de L’Ethique que le professeur de philosophie nous avait fait acheter lorsque
j’étais – jadis, il y a très longtemps - en classe préparatoire littéraire, et me voilà
plongée dans sa lecture…
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