vendredi 21 octobre 2016

Sale glandeur branleur cossard flemmard feignasse grognasse de prof !

Une expérience est édifiante : tapez sur Google « prof qui ne fout rien » et vous verrez  s’accumuler des pages et des pages où  d’honorables citoyens, échauffés par les diffamations de certaines personnalités politiques, déversent de fielleux torrents de rancœur voire de haine, envers les professeurs, ces nouveaux rois fainéants !



Cas unique, il faut bien le dire, car aucune autre profession ne suscite en France autant de polémiques et de mépris. Serait-ce une façon pour certains, de régler a posteriori leurs vieux  problèmes avec l’école ? Je l’ignore mais le constat s’impose : beaucoup de Français détestent les professeurs, qui sont pourtant « plutôt » respectés ailleurs… Il existe même des pays bizarres où l’on célèbre une « fête des professeurs » ! C’est qui, ces enfoirés ?
Au quotidien, lorsqu’on révèle à un inconnu qu’on se prélasse à exercer le beau métier d’enseignant, il est bien rare que ne s’ensuivent des réflexions acides sous-entendant qu’on est toujours en vacances, qu’on se la coule douce, qu’on fait grève la moitié de l’année et qu’en plus, on a le culot de râler !


Personnellement, ayant passé des années à tenter de justifier, en vain ( par les longues heures passées à l’école- car un prof a des « trous » dans son emploi du temps ; rester 8 ou 9 heures au lycée pour n’y donner que cinq heures de cours est tout à fait banal- par le travail de préparation et les corrections, les multiples réunions… ) les scandaleux privilèges et le salaire mirifique dont je me gave bien injustement (1600 au début, 2000 euros après dix ans de carrière, 3200 à la fin, peu de chances  d’accéder à la propriété… ), j’ai désormais renoncé à nier ma culpabilité et quand mon interlocuteur, caustique ou ironique, sous-entend que je suis un gros lézard, j’ai choisi de répondre avec le sourire : « Oui, c’est une bonne planque !  »


Inutile d’expliquer au commun des mortels que nous suons des heures, parfois des week-ends entiers, à lire des dissertations ou préparer des cours ; que lorsque nous partons en vacances de Noël ou de Pâques, c’est avec le sac lourd de paquets de copies ; que dans les heures où nous nous trouvons hors de l’école, nous ne sommes pas en goguette mais attelés à notre bureau. Inutile, car personne ne nous croit et on nous gratifie même d’un regard sceptique et amusé.
Allez, les profs, passez aux confessions publiques et avouez enfin que vous êtes des planqués ! Que tous vous applaudissent, une fois n’est pas coutume…

Au fait, quoi de plus démoralisant pour quelqu’un qui passe presque tout son temps libre à travailler que d’être soupçonné de désinvolture ou de paresse ?
Le problème, désormais ? On a tellement dénigré ce métier qu’on a réussi à décourager les plus pugnaces vocations ! Les jeunes ne veulent plus devenir profs ! Pourtant, la France a bien besoin de ces gros lambins, semble-t-il, si l’on en croit le nombre de classes vides ou surchargées, de petites écoles qui ferment faute d’enseignant voire les campagnes désespérées de l’Education Nationale sur Internet pour recruter des troupes de masochistes ! Si cette profession est une telle sinécure, comment se fait-il que plus personne ne souhaite l’exercer ? Même nos détracteurs les plus acharnés reconnaissent qu’ils ne voudraient pour rien au monde faire notre boulot.



Bouffeurs de profs, sachez que vous vous vautrez dans le paradoxe ! Car n’est-ce pas à ces couleuvres éhontées que vous confiez la majeure partie de la journée ce que vous avez de plus précieux, vos enfants ?
Baste ! Tant qu’on ne revalorisera pas l’image des professeurs dans l’imaginaire collectif, le nombre des candidats à la profession ne cessera de baisser. Pourquoi passer toute sa jeunesse à étudier, sacrifier tous ses loisirs pour avoir une chance de réussir le Capes ou l’Agrégation, accepter d’être muté loin de ses proches et de sa région d’origine, pour finalement se faire traiter de « glandeur », de « bon à rien », de « parasite », de « j’en foutre » ? A effort égal pour préparer les concours, mieux vaut tenter une Ecole de commerce ou d’Ingénierie, qui vous garantira une étiquette d’authentique vrai « bosseur ».
Pour soigner la maladie de l’école, inutile de replâtrer les programmes, de faire du neuf avec de l’ancien ou de remplacer les livres par des tablettes. Ne faudrait-il pas tout d’abord réhabiliter le statut du professeur en cessant de le désigner à la vindicte publique comme un « Tire-au-flanc au salaire mirobolant » ? Serait-il inopportun de rappeler que ce métier n’est pas tout à fait inutile et que si l’on rate l’éducation des jeunes, on gâche à l’avance, et de façon irrattrapable, la société de demain ?

Un prof fier de son métier, exercé avec foi et courage depuis trente ans…