dimanche 8 octobre 2017

Ayse Kulin. Dernier train pour Istanbul ou le suspense à bout de souffle

Auteur de l’article : Gisèle Durero-Koseoglu.

Dernier train pour Istanbul est le titre français (traduit de l'anglais par Guillaume Marlière, en 2009, pour Ramsay) d’un roman émouvant d’Ayse Kulin intitulé en turc, Nefes nefese (2002) c'est-à-dire, textuellement, « à bout de souffle ». 


L’histoire, qui n’est pas racontée chronologiquement mais avec de nombreuses analepsies, commence à Istanbul en 1933, lorsque deux sœurs, Sabiha et Selva, filles du pacha Fazil Rechat, rencontrent chacune l’homme de leur vie. Sabiha épouse Macit mais sa sœur Selva tombe amoureuse du jeune juif, Raphaël Alfandari, « Rafo » pour les intimes. Bien qu’il soit un homme éclairé et européanisé, le pacha se montre intraitable et n’accepte pas ce gendre ; quant à la mère de Rafo, désespérée, elle refuse, elle aussi, une belle-fille de confession différente…


Envers et contre tout, les amoureux se marient mais pour échapper à la désapprobation familiale, décident de partir en France. Le temps passe et voilà qu’à partir de juillet 1940, la France, occupée par les Nazis, adopte les lois anti-juives. En 1941, les rafles commencent, et aussi une vie pleine d’angoisse pour Selva et Rafo.  Leur seul salut : le passeport de la république turque qui leur permettra d’échapper aux arrestations… 
Le consul turc de Marseille entre en scène : au début, il ne délivre de passeports qu’aux ressortissants turcs. Mais avec le temps, l’humanité l’emporte et il se met à fabriquer de faux papiers pour sauver d’autres Juifs. Jusqu’à prendre la décision d’affréter le  « dernier train pour Istanbul », qui, appartenant à un « pays neutre »,  va traverser toute l’Europe, de Marseille à Edirne…


Si ce livre est un roman, il est cependant basé sur des faits historiques. Dans sa postface, Ayse Kulin explique qu’il est issu des « expériences relatées par de nombreux diplomates turcs postés en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale, qui sont parvenus à sauver des Juifs (Turcs et non Turcs) des griffes de Hitler et par un jeune Turc, membre de la résistance française ».
  
Car, à travers des personnages fictifs, la romancière rend hommage à vingt consuls de Turquie figurant sur la « Liste d’Honneur » du Musée du Judaïsme  d’Istanbul, le plus célèbre étant Selahattin Ülkümen, au nom gravé sur le mur des « Justes parmi les nations » du Mémorial de Yad Vashem, à Jérusalem, pour avoir sauvé deux cents personnes à Rhodes.

Trois diplomates en poste à Marseille ont particulièrement inspiré les personnages de Dernier train pour Istanbul : Bedi Arbel, Consul général de Marseille de 1940 à 1943, qui sauva des Juifs de Corse en les déclarant d’origine ottomane, Mehmet Fuat Carim, Consul général de Marseille de 1943 à 1945 et Necdet Kent, Consul de Marseille de 1942 à 1945  (représenté dans la fiction sous les traits de Nazim Kender), qui plaça 80 personnes dans le fameux wagon portant l’emblème de l’étoile et du croissant.


Un beau roman, dont le suspense conduit le lecteur, s'identifiant aux personnages, littéralement... à bout de souffle !




Qui est Ayse Kulin ? La plus célèbre écrivaine turque, avec 29 œuvres publiées jusqu’à ce jour !



Née à Istanbul en 1941, elle étudie la littérature au Collège américain de filles d’Arnavutkoy puis travaille comme éditrice pour de nombreuses revues, écrit des scenarii pour le cinéma, des articles pour les journaux Cumhuriyet et Milliyet. En 1984, elle publie un recueil de nouvelles Tourne ton visage vers le soleil (Güneşe dön yüzünü) qui lui apporte la reconnaissance et le « Prix du Ministère de la Culture ». Depuis, les succès littéraires n’ont cessé de s’enchaîner avec : Une douce tranquillité (Bir Tatlı Huzur), en 1996, Son nom est Aylin ( Adı: Aylin) en 1997, Le temps qui passe ( Geniş Zamanlar) en 1998,  Les photos de Sabah (Foto sabah Resimleri) qui lui a valu le « Prix de la nouvelle Haldun Taner » et le « Prix Sait Faik » en 1997,  Sevdalinka en 1999, Füreya en 2000, Le Pont ( Köprü) en 2001, Dernier train pour Istanbul (Nefes Nefese) en 2002, Il y a comme une rose rouge en moi (İçimde Kızıl Bir Gül Gibi) en 2002, A mon père (Babama) en 2002, Les Perce-Neige ( Kardelenler) en 2004, Les Bruits de la nuit (Gece Sesleri ) en 2004, Un Jour ( Bir Gün) en 2005, Il était une fois (Bir Varmış Bir Yokmuş) en 2007, Adieu ( Veda) en 2008, Les Contes de Mémé Sit (Sit Nene`nin Masalları), Espoir (Umut) en 2008, Une fenêtre ouverte dans le mur de pierre, ( Taş Duvar Açık Pencere en 2009, Turkan en 2009, La vie (Hayat) et La tristesse (Hüzün) en 2011, Voyage dans les souvenirs secrets (Gizli Anların Yolcusu) en 2011, Le Livre de Bora ( Bora'nın Kitabı) en 2012, Le retour (Dönüş) en 2013, L’Illusion ( Hayal) en 2014, Handan, en 2014, Eclipse solaire (Tutsak Güneş) en 2015 et Les oiseaux aux ailes brisées (Kanadı kırık kuşlar) en 2017.  Ayse Kulin est ambassadrice de l’Unicef depuis 1997.

Le dernier roman d'Ayse Kulin