vendredi 11 novembre 2016

vendredi 21 octobre 2016

Sale glandeur branleur cossard flemmard feignasse grognasse de prof !

Une expérience est édifiante : tapez sur Google « prof qui ne fout rien » et vous verrez  s’accumuler des pages et des pages où  d’honorables citoyens, échauffés par les diffamations de certaines personnalités politiques, déversent de fielleux torrents de rancœur voire de haine, envers les professeurs, ces nouveaux rois fainéants !



Cas unique, il faut bien le dire, car aucune autre profession ne suscite en France autant de polémiques et de mépris. Serait-ce une façon pour certains, de régler a posteriori leurs vieux  problèmes avec l’école ? Je l’ignore mais le constat s’impose : beaucoup de Français détestent les professeurs, qui sont pourtant « plutôt » respectés ailleurs… Il existe même des pays bizarres où l’on célèbre une « fête des professeurs » ! C’est qui, ces enfoirés ?
Au quotidien, lorsqu’on révèle à un inconnu qu’on se prélasse à exercer le beau métier d’enseignant, il est bien rare que ne s’ensuivent des réflexions acides sous-entendant qu’on est toujours en vacances, qu’on se la coule douce, qu’on fait grève la moitié de l’année et qu’en plus, on a le culot de râler !


Personnellement, ayant passé des années à tenter de justifier, en vain ( par les longues heures passées à l’école- car un prof a des « trous » dans son emploi du temps ; rester 8 ou 9 heures au lycée pour n’y donner que cinq heures de cours est tout à fait banal- par le travail de préparation et les corrections, les multiples réunions… ) les scandaleux privilèges et le salaire mirifique dont je me gave bien injustement (1600 au début, 2000 euros après dix ans de carrière, 3200 à la fin, peu de chances  d’accéder à la propriété… ), j’ai désormais renoncé à nier ma culpabilité et quand mon interlocuteur, caustique ou ironique, sous-entend que je suis un gros lézard, j’ai choisi de répondre avec le sourire : « Oui, c’est une bonne planque !  »


Inutile d’expliquer au commun des mortels que nous suons des heures, parfois des week-ends entiers, à lire des dissertations ou préparer des cours ; que lorsque nous partons en vacances de Noël ou de Pâques, c’est avec le sac lourd de paquets de copies ; que dans les heures où nous nous trouvons hors de l’école, nous ne sommes pas en goguette mais attelés à notre bureau. Inutile, car personne ne nous croit et on nous gratifie même d’un regard sceptique et amusé.
Allez, les profs, passez aux confessions publiques et avouez enfin que vous êtes des planqués ! Que tous vous applaudissent, une fois n’est pas coutume…

Au fait, quoi de plus démoralisant pour quelqu’un qui passe presque tout son temps libre à travailler que d’être soupçonné de désinvolture ou de paresse ?
Le problème, désormais ? On a tellement dénigré ce métier qu’on a réussi à décourager les plus pugnaces vocations ! Les jeunes ne veulent plus devenir profs ! Pourtant, la France a bien besoin de ces gros lambins, semble-t-il, si l’on en croit le nombre de classes vides ou surchargées, de petites écoles qui ferment faute d’enseignant voire les campagnes désespérées de l’Education Nationale sur Internet pour recruter des troupes de masochistes ! Si cette profession est une telle sinécure, comment se fait-il que plus personne ne souhaite l’exercer ? Même nos détracteurs les plus acharnés reconnaissent qu’ils ne voudraient pour rien au monde faire notre boulot.



Bouffeurs de profs, sachez que vous vous vautrez dans le paradoxe ! Car n’est-ce pas à ces couleuvres éhontées que vous confiez la majeure partie de la journée ce que vous avez de plus précieux, vos enfants ?
Baste ! Tant qu’on ne revalorisera pas l’image des professeurs dans l’imaginaire collectif, le nombre des candidats à la profession ne cessera de baisser. Pourquoi passer toute sa jeunesse à étudier, sacrifier tous ses loisirs pour avoir une chance de réussir le Capes ou l’Agrégation, accepter d’être muté loin de ses proches et de sa région d’origine, pour finalement se faire traiter de « glandeur », de « bon à rien », de « parasite », de « j’en foutre » ? A effort égal pour préparer les concours, mieux vaut tenter une Ecole de commerce ou d’Ingénierie, qui vous garantira une étiquette d’authentique vrai « bosseur ».
Pour soigner la maladie de l’école, inutile de replâtrer les programmes, de faire du neuf avec de l’ancien ou de remplacer les livres par des tablettes. Ne faudrait-il pas tout d’abord réhabiliter le statut du professeur en cessant de le désigner à la vindicte publique comme un « Tire-au-flanc au salaire mirobolant » ? Serait-il inopportun de rappeler que ce métier n’est pas tout à fait inutile et que si l’on rate l’éducation des jeunes, on gâche à l’avance, et de façon irrattrapable, la société de demain ?

Un prof fier de son métier, exercé avec foi et courage depuis trente ans…




samedi 24 septembre 2016

Yeni Istanbul gezi kitabı: Yazar Bülent Demirdurak,Editör Aksel Köseoğlu, GiTa Yayınları

Bülent Demirdurak’in yazdığı, Editörlüğünü Aksel Köseoğlu’nun yaptığı Istanbul gezi kitabı GiTa Yayınlarından çıktı
Gitakitap.com ve Kitapcılarda gelecek hafta…

Türkçesi

 Okurum, Gezerim, Yazarım...
 Simgeler tapınağı Ayasofya’dan Topkapı Sarayı’na,
Sultanahmet Camii’nden, Süleymaniye Camii’ne,
Divanyolu’ndan Aksaray’a,
Şehzadebaşı’ndan Çarşamba’ya,
Unkapanı’ndan Kocamustafapaşa’ya,
Kariye’den Eminönü’ne,
Taksim’den Tünel’e
İstanbul Boğazı’ndan, Prens Adaları’na

ADIM ADIM İSTANBUL
Her satırı yaşandıktan sonra yazılmıştır.
Yuvarlak Dünyanın Köşeleri serisi ile 40 yılı aşkın meslek deneyiminde, 100’den fazla ülkeye seyahat eden Bülent Demirdurak’ın gezi rotalarını sizlerle buluşturuyoruz.
Şehri duyarak, koklayarak, görerek ve hissederek yaşamanız için, kitabınız, rehberiniz... 
 
Ingilizcesi


samedi 17 septembre 2016

Mathias Enard. Boussole ou la flèche pointée vers l’est

Article de Gisèle Durero-Koseoglu

BOUSSOLE : le titre de ce roman de Mathias Enard qui a remporté le Prix Goncourt 2015 peut sembler a priori énigmatique. Pourtant, on en découvre le sens au fil des pages : la boussole, à l’origine, était  celle de Beethoven, « un compas de poche, rond,  avec un couvercle »   ; le narrateur en possède une copie, qui lui a été offerte par la femme aimée.



La particularité de cette imitation ? Elle « pointe vers l’est et non pas vers le nord » ; il s’agit d’une boussole qui « pointe vers l’Orient ».

Un Orient qui est aussi une métonymie de Sarah, une orientaliste, aimée, perdue, retrouvée, reperdue, celle qui a repoussé Franz Ritter, le narrateur, une nuit à l’hôtel Baron d’Alep  puis a épousé Nedim, un joueur de luth syrien ; qui a passé une nuit avec lui en Iran puis s’est enfuie au matin, rappelée en France par un douloureux télégramme ; celle dont Franz guette les mails en suivant « la boussole de son obsession »…

C’est que ce roman baroque traite de trois grands sujets, la musicologie, l’Orientalisme et la nostalgie amoureuse, à travers le monologue intérieur du narrateur, malade, qui remue ses souvenirs, une nuit d’opium, entre 23h10 et 6 heures du matin.

Musicologue vivant à Vienne, la « porte de l’Orient », Franz Ritter évoque la mémoire de nombreux artistes et écrivains  européens ayant entretenu un rapport réel ou fantasmé avec l’Orient : des musiciens, comme Mozart, Beethoven, Mahler, Schubert, Donizetti, Liszt, Wagner, Bizet, Halevy, Berlioz ; des écrivains, Lamartine, Balzac, Flaubert, Rimbaud, Germain Nouveau, Gobineau, Musil, Pessoa, Nietzsche ; des artistes comme Courbet peignant le tableau « L’Origine du monde » pour l’Ottoman Halil Pacha ; des orientaliste célèbres comme Von Hammer, qui revêt une importance capitale dans le roman, non seulement parce qu’il a fait surmonter la porte de son château d’une inscription en arabe représentant le nom de Dieu mais aussi parce c’est lors d’un colloque situé dans sa maison-musée que le narrateur rencontre celle qui incarne pour lui « l’idéal de la beauté féminine »…

Un roman foisonnant et mélancolique, la marque de Mathias Enard.

N’en déplaise à certains qui déplorent l’avalanche d’érudition évoquant parfois – n’est-ce pas un peu vrai ? Ce roman, qui n’est pas d’une lecture facile, est réservé aux « happy few » - une thèse de Doctorat, en ce qui me concerne, j’adore les livres de Mathias Enard. Cette constatation l’emporte sur tous les arguments, inutile d’épiloguer.



Ce que j’attends d’un livre, c’est qu’il me passionne, que je dévore les pages et que je voie se profiler la dernière avec regret. Pour moi, Boussole a accompli cette mission.

Un étrange népenthès, dont il est souvent question dans le récit…

samedi 13 août 2016

Mathias Enard. L’Alcool et la Nostalgie ou les affres du Transsibérien

Article de Gisèle Durero-Koseoglu

Décidément, un roman de Mathias Enard est un philtre dont on a du mal à se départir. Les phrases vous poursuivent longtemps après les avoir quittées.
Sa prose fonctionne comme une drogue. Une page, deux pages, et vous voilà accro, prêt à l’overdose.

En ce qui me concerne, je ne me livrerai pas à des conjonctures pour savoir si Mathias Enard est le plus grand romancier français actuel, je ne dirai qu’une phrase : j’adore son œuvre, ses sujets et son écriture… A tel point que je relis le livre sitôt que j’en ai achevé la lecture (cet article est écrit après la première, il sera sans doute modifié après la deuxième) …

Une des raisons de la magie opérée par les romans d’Enard est peut-être qu’il s'approprie à tel point la littérature qu’il nous fait savourer, au détour des pages, le plaisir de la réminiscence littéraire.



Comme le roman Zone pouvait passer pour une réécriture du célèbre « Zone » de Guillaume Apollinaire, L’Alcool et la Nostalgie semble être une réécriture de « La Prose du Transsibérien et de la petite Jehanne de France », de Blaise Cendrars, avec des citations :

 « Je voudrais n’avoir jamais fait mes voyages
Ce soir un grand amour me tourmente
Et malgré moi je pense à la petite Jehanne de France… »

Ou avec des emprunts : « Moscou, la ville des mille et trois
Clochers et des sept gares »…

Le sujet : Le narrateur, Mathias, est réveillé en pleine nuit par un coup de fil de Jeanne, qui lui apprend la mort de leur ami commun, Vladimir. Il décide alors de se rendre en Russie pour ramener en train le corps de Vladimir jusqu’à son village natal, près de Novossibirsk.

Ce voyage de six étapes dans le Transsibérien (rappelons qu’en 2010, pour l’année France-Russie, 16 écrivains français, dont Mathias Enard, ont effectué ce voyage de 9300 kilomètres) est l’occasion pour le narrateur d’évoquer son passé et de dialoguer avec le mort, à qui l’unit un étrange tissage d’amitié et de haine. Car Vladimir n’est autre que celui qui lui a volé Jeanne, la femme aimée. Notons que l’on pourrait étudier le thème du voyage en train chez Enard, qui, disciple de Michel Butor, en fait, comme dans Zone, épopée entre Milan et Rome, le cadre privilégié du monologue intérieur…

Et Enard d’évoquer les affres de cet amour à trois, aux protagonistes emboîtés les uns dans les autres « comme des poupées russes », des « matriochki ». L’amour est sombre et masochiste chez Enard ; ce serait le seul reproche que je lui adresserais. Il donne un peu trop dans les airs de chien battu, que diable !  Il est vrai cependant qu’on se délecte de la façon dont il exprime son dépit...



 Mathias Enard lors de la remise du Prix Goncourt pour Boussole en 2015

Dans ces 88 pages à la première personne (un avertissement au lecteur précise que le roman est « l’adaptation plus ou moins fidèle d’une fiction radiophonique écrite dans le Transsibérien entre Moscou et Novossibirsk »), on se vautre aussi avec volupté dans les références littéraires. Gorki, Essenine, Kerouac, Conrad, Dostoïevski, Mandelstam, Pouchkine, Shelley, Carver, Kessel ou Nabokov font partie de ce voyage où l’on noie son chagrin dans la vodka et les stupéfiants, jusqu'à la mort.

Et l’on se délecte sans retenue de la -tristesse majestueuse- du narrateur, bercé par le bruit des roues qui lui « dégouline des oreilles comme l’huile sainte d’une icône »…

vendredi 1 juillet 2016

Hans Fallada. Seul dans Berlin (1946) ou l’héroïsme d’un quidam face à la barbarie

Article de Gisèle Durero-Koseoglu
Je ne connaissais pas encore ce roman que Primo Lévi avait pourtant désigné comme « le plus beau livre sur la résistance au Nazisme ». Mais  je dois dire que sa lecture fut une expérience de choc.



En 1933, l’écrivain allemand Hans Fallada, qui a emprunté son pseudonyme à un personnage des Frères Grimm et a déjà atteint la notoriété, après  une incarcération de quelques jours due à des propos contre le pouvoir, décide de se faire oublier en se consacrant aux ouvrages de distraction. Mais cela ne l’empêche pas d’écrire en 1946, Le Buveur, roman autobiographique et surtout Seul dans Berlin, avant de mourir subitement d’une crise cardiaque l’année suivante.



Personnellement, vu la maîtrise dans la construction du récit, la finesse de l’analyse psychologique et le compte-rendu des faits politiques,  j’ai  bien du mal à croire qu’un tel chef-d’œuvre de 760 pages en édition Folio ait pu être « écrit en 24 jours en 1946 » comme l’indiquent certains sites Internet. Mon sentiment est que l’auteur l’a plutôt élaboré en secret pendant toute la période de la guerre, en s’inspirant de l’atmosphère délétère du quotidien, pour procéder à une dernière mise en forme en 24 jours en 1946. Mais il est vrai aussi que le sentiment d’urgence pousse parfois le talent au-delà des limites du possible…

Car Hans Fallada y décrit avec un hyperréalisme douloureux les procédés employés par la dictature pour asseoir son pouvoir : terreur exercée par les affiliés au régime sur leurs voisins qu’ils espionnent, tortures, procès iniques, exécutions sommaires. Ce que le héros du roman Otto Quangel, vieil ouvrier fatigué par le labeur, résume en une phrase : « Vous savez très bien que…  le criminel est libre mais que l’homme convenable est condamné à mort ».

Le sujet : l’ouvrier Otto Quangel, dont le fils a perdu la vie au front décide, en 1941, d’entrer en résistance en déposant clandestinement dans  les halls d’immeubles des cartes postales dénonçant la politique d’Hitler. Sa femme, Anna, le cœur brisé par la perte de son fils, le soutient et l’aide dans son action.  Les policiers du régime vont déployer tous les moyens pour démasquer le coupable ; car c’est leur propre  survie qui est en jeu s’ils ne réussissent pas leur mission. En effet, dans une infernale chaîne, chaque maillon de la hiérarchie persécute son subordonné et se fait lui-même anéantir par son supérieur.




Au début, personne ne pourrait soupçonner qu’Otto Quangel, contremaître bourru et taciturne soit le trouble-fête recherché par toutes les polices de Berlin. Mais après l’arrestation du couple Quangel, tous ceux et celles qui les ont approchés sont impitoyablement conduits à la mort. Dans un avertissement au lecteur, Hans Fallada explique qu’il s’inspire de faits réels  et que ça ne lui a pas plu «  de dresser un tableau si sombre »  mais que « plus de lumière aurait signifié mentir ».

La lecture de ce roman fait mal car on se demande à chaque page comment les hommes peuvent perdre leur esprit critique au point de s’avilir dans de telles compromissions ou cruautés pour conserver un privilège, fût-il minime. La dignité et l’honnêteté d’Otto Quangel, a priori «  homme ordinaire »  sont telles qu’elles finissent par susciter le doute voire l’admiration chez certains de ses bourreaux.

Un roman terrible, d’une portée universelle car il effectue la vivisection d’un cauchemar politique ; il dévoile les rouages, la férocité et la face cachée de la dictature qui ne se contente pas d’éliminer ses opposants mais finit par anéantir ses propres partisans.

Un roman aussi sur le courage de tous ces « héros anonymes », qui, au fil de l’Histoire, ont tenté, dans les ténèbres, de sauvegarder  l’humanisme.



Vous pouvez aussi lire mon blog : Gisèle, écrivaine d'Istanbul
http://gisele.ecrivain.istanbul.over-blog.com/

samedi 4 juin 2016

Claude Anet. La Rive d'Asie ou le libertinage à Istanbul

La Rive d’Asie, de Claude Anet. Réédition Aksel Koseoglu, juin 2016

Jeune provincial ardent, avide des plaisirs de la chair, Philippe, le narrateur, nous livre le récit de son apprentissage amoureux. Abandonnant peu à peu les illusions romantiques, il découvre, au fil de ses conquêtes,  les joies du libertinage.
Jusqu’à ce que son parcours ne le conduise à Istanbul…  
De quelle expérience inédite la demeure isolée au bout de la rive asiatique du Bosphore deviendra-t-elle le muet témoin ?
Ce roman de 1927, mêlant introspection, rêves érotiques et suspense, offre une vision orientaliste et fantasmée de la ville d’Istanbul, présentée comme le lieu de tous les possibles… 



La version en turc, traduite par Burçak Targaç 








lundi 30 mai 2016

Voltaire. Le 30 mai 1778, envol du « Don Quichotte des malheureux »

Article de Gisèle Durero-Koseoglu

Il y a 234 ans s'éteignait François Marie Arouet, écrivant sous le pseudonyme de Voltaire dont on dit qu’il était l’anagramme d’AROVETLI,  forme latine d’« Arouet Le jeune ».


Ce que je trouve le plus extraordinaire -et le plus effrayant aussi - dans l’œuvre de Voltaire, c’est qu’elle soit encore, en 2016,  d’une si féroce actualité.

Que dénonce Voltaire ?

La collusion entre le pouvoir et la religion, la barbarie du fanatisme, l’absurdité et l’atrocité des guerres, les exactions des puissants, l’arbitraire de la justice, la corruption, la censure… la liste est longue ! Tout ce qu’il nomme « l’infâme » !

Portrait de Voltaire, par Maurice Quentin de la Tour, 1735
Voltaire sera un des premiers à reposer au Panthéon. La phrase célèbre écrite sur son sarcophage,  « Il combattit les athées et les fanatiques, il inspira la tolérance, il réclama les droits de l’homme contre la servitude de la féodalité, il agrandit l’esprit humain et lui apprit qu’il devait être libre » rend hommage à sa lutte contre les injustices.

Tombe de Voltaire au Panthéon, photo Internet, merci aux auteurs. 

Il est intéressant de noter qu’à son époque, Voltaire est adulé comme homme de théâtre plus que comme philosophe : dramaturge, metteur en scène, comédien, théoricien, tels étaient les qualificatifs par lesquels ses contemporains auraient pu le désigner. Il fut  aussi un poète ayant à son actif un minimum de deux-cent cinquante mille vers ! Cependant, c’est la partie de son œuvre qu’il considérait plutôt comme une sorte de distraction, ses fameux Contes, que la postérité a reconnue comme chef-d’œuvre patrimonial !


Lit-on encore, aujourd’hui, les tragédies de Voltaire ? Honnêtement, non, son œuvre théâtrale n’est connue que des étudiants et professeurs de lettres. Alors, comment la métamorphose de celui que l’on considérait à son époque comme le plus grand dramaturge du  XVIIIe siècle, en « roi de philosophes », s'est-elle opérée ?

Un peu boudé au début du XIX siècle, lorsque la Restauration l’accuse d’avoir été un fauteur de troubles à l’origine de la Révolution –Victor Hugo ne cesse d’osciller entre l’amour et le rejet du Patriarche de Ferney  - Voltaire est élevé au rang de champion de la laïcité par la troisième République (même si le mot n’est crée dans le Littré qu’en 1871).


Aujourd’hui encore, chaque fois que les libertés fondamentales sont menacées, que les droits de l’homme sont bafoués, on se réfère à Voltaire, comme on a pu le voir après les attentats de l’automne 2015, suivis de multiples rééditions du Traité sur la Tolérance.



Jean Huber, Un dîner de philosophes, vers 1772. Scène de fiction imaginée par le peintre avec Voltaire au centre levant la main et Diderot à sa droite (en réalité, Diderot ne s’est jamais rendu à Ferney…)

Le château de Ferney-Voltaire

Dans son essai Voltaire contre-attaque, écrit peu avant sa mort, André Glucksmann déclarait : « Qui criminalise la liberté d'expression, criminalise Voltaire, vivant ou mort. Une France, pas toute la France, se retrouve voltairienne dès qu'on attaque son droit de penser et de parler »…

Quelques extraordinaires citations de Voltaire :

Zadig, 1747 : « Les hommes sont des insectes se dévorant les uns les autres sur un petit atome de boue. »

Micromégas, 1752 : « Notre existence est un point, notre durée un instant, notre globe un atome. A peine a-t-on commencé à s'instruire un peu que la mort arrive avant qu'on ait de l'expérience. »

Histoire des voyages de Scarmentado écrite par lui-même, 1756 : «  On chanta dévotement de très belles prières, après quoi on brûla à petit feu tous les coupables ; de quoi toute la famille royale parut extrêmement édifiée. »

Candide, 1759 : « Les hommes sont dévorés de plus d'envie, de soins, et d'inquiétudes, qu'une ville assiégée n'éprouve de fléaux. »

Dictionnaire philosophique portatif, 1764 : «  Le fanatisme est un monstre mille fois plus dangereux que l’athéisme philosophique. »

« Le merveilleux de cette entreprise infernale (la guerre), c’est que chaque chef des meurtriers fait bénir ses drapeaux et invoque dieu solennellement avant d'aller exterminer son prochain. »

Traité sur la Tolérance, 1767 : « La tolérance n’a jamais excité de guerre civile ; l’intolérance a couvert la terre de carnages. »

« Nous avons assez de religion pour haïr et persécuter, et nous n'en avons pas assez pour aimer et pour secourir. »

L’Ingénu, 1767 : « La vérité luit de sa propre lumière et on n'éclaire pas les esprits avec les flammes des bûchers. »

« Comment se trouve-t-il tant d'hommes qui, pour si peu d'argent, se font les persécuteurs, les satellites, les bourreaux des autres hommes ? »


 Lecture de L’Orphelin de la Chine, par Voltaire dans le salon de Madame Geoffrin, peinture de Gabriel Lemmonier, 1755.


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vendredi 20 mai 2016

Hakan Gunday. Roman ENCORE ou la chute en Hadès

Article de Gisèle Durero-Koseoglu

Mon roman coup de cœur des derniers jours est celui d'Hakan Gunday intitulé « Encore », édité par Galaade en 2015, traduit en français par Jean Descat, et lauréat du Prix Médicis Etranger 2015.

Hakan Gunday avait déjà remporté le Prix du Meilleur Roman de l’année en Turquie en 2011 avec  D’un extrême l’autre,  puis le Prix France-Turquie en 2014, pour Ziyan.

« Encore » est une effroyable histoire de passeurs de clandestins, publiée en turc en 2011 aux Editions Dogan sous le titre « Daha », soit avant l’immense flot migratoire des récentes années.
Œuvre prémonitoire, pourrait-on dire.



La phrase d’incipit est un coup de fouet : « Si mon père n’avait pas été un assassin, je ne serais pas né…»

D’emblée, on sait qu’on ne fera pas dans la dentelle.
Le narrateur est, au début, un enfant de neuf ans à qui son père enseigne une morale terrible : chacun sa peau. Et a qui il apprend que, pour sauver la sienne, mieux vaut arracher vite la bouée de sauvetage des mains d’un vieillard et le regarder sombrer plutôt que de s’exposer à couler soi-même.

Les quatre chapitres, qui portent chacun le nom d’une technique picturale, mettent donc en scène Gaza, enfant abandonné par sa mère (du moins, d’après ce que lui raconte son père car…), lui-même violenté par des clandestins ; maltraité par son père, un passeur de migrants qui enferme ces pauvres hères dans une citerne dissimulée dans son jardin- jusqu’à deux cents- et les y fait attendre parfois jusqu’à trois semaines, sans commodités autres que des seaux, rationnant la nourriture et l’eau alors qu’ils ont payé huit mille dollars pour leur passage, avant de les entasser dans un camion avec lequel ils gagneront la côte pour tenter de passer en Grèce.

La version turque du roman

Au fil de toutes ces atrocités, Gaza se pique au jeu de la cruauté et découvre le plaisir d’exercer sur les réfugiés la tyrannie dont il subit lui-même les affres ; bref, Gaza devient un tortionnaire, qui fait payer l’eau à ses victimes criant « encore » car elles ont trop soif…  Et, grâce à une caméra lui permettant d’espionner les malheureux enfermés dans la citerne, se livre à des études sur la dynamique du groupe et la prise de pouvoir, qu’il consigne soigneusement dans des dossiers de son ordinateur. Ce qui n’est pas sans rappeler les méthodes employés par certains Nazis…

Les âmes sensibles pourront me demander les raisons pour lesquelles j’ai aimé ce roman ( en particulier les deux premiers chapitres, soit 212 pages-choc, le deuxième frôle les sommets de ce que j’appellerai un « surréalisme barbare » en transformant le héros en « pharaon enfermé vivant dans sa tombe » ; j’avoue avoir été moins fascinée par les deux derniers chapitres... )
Si je l’ai apprécié, c’est surtout parce qu’il est d’une actualité terrible ; on savait déjà que les passeurs étaient des monstres ; n’a-t-on pas entendu, depuis deux ans, de multiples histoires de migrants étouffés dans des camions, noyés à cause d’embarcations qui ne flottent pas ou de gilets de sauvetage ne contenant que du coton ?

Ce roman nous dit bien que les passeurs ne sont pas seulement des trafiquants mais surtout des assassins, commettant en connaissance de cause, et presque impunément, des crimes contre l’humanité.

Un roman qui nous rappelle aussi que tous les enfants n’ont pas la chance de naître dans une famille dont ils seront les rois choyés ; certains sont des enfants de criminels.



Un roman, enfin, écrit à l’acide, dont le narrateur-personnage est, au sens propre et au sens figuré, « coincé au fond d’un charnier, sous ces ruines humaines, dans une cellule aux parois de chair et de pierre »…


Dessin du jordanien Emad Hajjaj


 Le sujet des migrants n’a pas fini de nous faire dresser les cheveux sur la tête. Voilà les articles de mon blog Gisèle Ecrivaine d’Istanbul consacrés à cette tragique actualité :

« Necromare », la Méditerranée-tombeau, notre honte à tous ! 3.09.2015
La Méditerranée-tombeau 2 : Et pourtant, ne le savait-on pas déjà ? 4.09.2015

La Méditerranée-tombeau 3 : Une larme de plus pour le journal du désespoir… 20.01.2016

La collection Istanbul de Jadis des Editions GiTa Yayinlari d'Istanbul

Article de Gisèle Durero-Koseoglu

La collection « Istanbul de Jadis » des Editions franco-turques GiTa Yayinlari d’Istanbul a pour vocation de rééditer en français d’anciennes œuvres de la littérature francophone portant sur la ville d’Istanbul et de les traduire en turc.

Son but ? Ressusciter de beaux livres un peu tombés dans l’oubli pour les faire connaître aux amoureux de la ville d’Istanbul.

Sachez que la réalisation des livres de cette collection demande un travail considérable : il faut en effet beaucoup d’enthousiasme et d’abnégation  pour refaire entièrement les textes à partir des éditions originales en français, puis les faire traduire en turc.

C’est la tâche du responsable de la collection, Aksel Koseoglu, qui ne ménage pas ses heures pour mener à bien ce projet titanesque.


Les livres de la collection « Istanbul de Jadis » :

 Le Jardin fermé, de Marc Hélys


Ecrivaine, journaliste, voyageuse intrépide, Marie Léra publie en 1908 sous le pseudonyme de Marc Hélys, Le Jardin fermé, recueil de nouvelles sur les harems d’Istanbul. Un livre passionnant, fourmillant d’anecdotes drôles ou poignantes, qui remet en question, avec humour ou compassion, nombre de préjugés sur le harem et la condition des femmes turques dans les dernières années de l’Empire ottoman.
En effet, contrairement à beaucoup de voyageurs qui parlent des harems sans jamais y avoir pénétré, Marc Hélys, lors de ses trois séjours à Istanbul en 1901, 1904 et 1905, partage le quotidien de deux jeunes femmes, Nouryé et Zennour et s’introduit par leur entremise dans toutes les demeures de leur entourage. Elle observe, s’extasie ou s’indigne selon les jours, converse avec les femmes ottomanes et met sa plume au service des débats idéologiques qui les animent.
Marc Hélys, qui s’était déjà fait l’écho des revendications féminines en fournissant à Pierre Loti le matériau de son roman Les Désenchantées (1906) nous livre, avec Le Jardin fermé, un témoignage exceptionnel sur les « Scènes de la vie féminine en Turquie ».

En rééditant dans notre collection Istanbul de Jadis ce livre injustement tombé dans l’oubli et en le publiant aussi en turc, nous sommes fiers d’apporter notre contribution non seulement à l’histoire des femmes turques mais aussi à la littérature française…
Aksel Köseoglu, Responsable de la Collection « Istanbul de Jadis » des Editions GiTa. 


L’Homme qui assassina, de Claude Farrère




L’Homme qui assassina, chef-d’œuvre « turc » de Claude Farrère, publié en 1907, est un roman de l’ombre et de l’errance.
Monde baroque et mystérieux, qui ensorcelle sur-le-champ Renaud de Sévigné et va définitivement bouleverser sa vie.
Jusqu'où cet attaché militaire près l’Ambassade de France en Turquie va-t-il s’égarer, en compagnie de l’envoûtante Lady Falkland, dans la magie du vieux Stamboul ?
Le livre, entremêlant histoire d’amour, roman d’espionnage, intrigue policière et récit exotique, met en scène un univers romanesque inquiétant, évoqué avec passion par Claude Farrère, celui de la ville d’Istanbul dans les derniers fastes de l’Empire ottoman …
Un roman culte pour les amoureux de l’Istanbul de Jadis…


Un drame à Constantinople, de Leïla-Hanoum



Lorsque la sultane Alié apprend que son époux l’a trahie avec une belle esclave, Ikbal, sa jalousie se déchaîne. Quant à la pauvre laveuse de hammam, Fatma, elle reçoit une mystérieuse corbeille dissimulant  un nouveau-né. Désormais, la haine d'Alié va la poursuivre sans relâche. Complots machiavéliques et péripéties spectaculaires vont donc se succéder, entraînant de nouveaux personnages dans les intrigues manigancées par la sultane. Sa soif de vengeance demeurera-t-elle inextinguible?
La fin du règne d'Abdlülmecit, les relations franco-ottomanes, l’avènement d'Abdülaziz, ses réformes, son voyage en France, sa rencontre avec l’Impératrice Eugénie, sa mort suspecte…
 Ce roman, écrit en 1879, par une Française ayant vécu à Istanbul dans les proches du palais, offre un récit palpitant mais aussi une vision orientaliste de la femme ottomane, à travers l’imagination débridée de la romancière.
Un chef-d’œuvre de la littérature de harem…



Et dans quelques jours, le quatrième volume de la série, La Rive d’Asie, Amours et Harem,  de Claude Anet.


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