mercredi 9 août 2017

Pierre Lemaître. Au revoir là haut : de la douleur au sarcasme…

Article de Gisèle Durero-Koseoglu
Albert et Edouard, deux soldats enrôlés dans la Guerre de 1914-1918…

Tous deux survivent par miracle au carnage mais la France, qui encense les héros morts pour sa défense,  se désintéresse complètement de survivants, les abandonnant à leurs traumatismes et les livrant au chômage et à la misère.



Et Edouard l’artiste n’est autre qu’une « gueule cassée » !

Liés l’un à l’autre par un pacte moral, Edouard et Albert-  l’un ayant sauvé la vie de l’autre mais en y laissant son visage- s’installent ensemble et vivent une vie retirée du monde. Jusqu’à ce qu’un plan diabolique ne germe dans le cerveau d’Edouard, une escroquerie que nul n’aurait pu imaginer… et qui confère au récit le suspense d’un récit policier…

Ce roman passionnant, à la fois pathétique et cynique, dévoile aussi, même sous forme romancée, les tristes dessous de l’après-guerre,  où des profiteurs exploitant le chagrin des familles endeuillées organisent des trafics  de sépultures. L’auteur précise dans sa postface  que si l’escroquerie conçue par Edouard est un produit de son imagination,  le scandale des exhumations militaires est un fait historique révélé en 1922 et qu’il a étudié dans les travaux des historiens dont il donne les références.

Un roman aux multiples facettes, récompensé par le prix Goncourt 2013 : historique sur les souffrances des poilus et leurs difficultés d’intégration au retour ; psychologique en ce qui concerne les relations d’un des soldats avec son père ; policier par le suspense entretenu autour de l’escroquerie ; satirique pour la dénonciation du pouvoir des gradés, de la corruption et des malversations.  Mais avant tout  baroque et caustique, voire parfois surréaliste.


Un roman que l’on n’oubliera pas, qui dérange et fascine à la fois… Un chef-d'oeuvre, à mon humble avis...