lundi 8 octobre 2018

Festival du Livre de Mouans-Sartoux 2018 : Boualem Sansal le preux...


« Preux, magnanime, humaniste, intrépide, chevalier sans peur et sans reproche », tels sont les qualificatifs qui se présentent à mon esprit lorsque je pense à l'écrivain Boualem Sansal.

Il y a bien longtemps que j’apprécie son œuvre, au point même d’avoir mis au programme du Bac de français, dans une de mes classes de Première, son roman Le Village de l’Allemand.

La causerie à laquelle il a participé cet après-midi au Festival du Livre de Mouans-Sartoux 2018 était à la hauteur de son talent. Car Boualem Sansal s'exprime avec passion et conviction... 




Au sujet de son dernier roman, Le Train d’Erlingen

L’auteur explique que son dernier roman aurait dû constituer le deuxième tome de sa trilogie entamée avec Gouverner au nom d’Allah, en 2013 et poursuivie avec 2084, en 2015 (inspiré du 1984 de Orwell), qui était destiné à en être le troisième volet. Mais comme il a écrit en même temps les deux derniers, précise-t-il, « main gauche main droite » et que le 3e était terminé avant le 2e

Le roman, sous-titré « La Métamorphose de Dieu », est essentiellement constitué de lettres, notes diverses et notes de lecture, racontant la lutte contre un danger qui ne porte pas de nom…



La genèse de la Trilogie

En 2006, Boualem Sansal a été contacté par le gouvernement allemand qui lui demandait de venir donner des conférences sur le monde arabe et l’Islam, afin que des diplomates partant en poste puissent mieux comprendre l’univers dans lequel ils allaient vivre. Le livre Gouverner au nom d’Allah est la synthèse de ces interventions.

« Pieds noirs, pieds rouges et pieds verts »

Retraçant l’histoire des dernières décennies de l’Algérie, Boualem Sansal la résume par la métonymie des pieds de couleur différente : après le départ des « pieds noirs », sont arrivés les « pieds rouges » ; l’état s’effaçait, le peuple gouvernait lui-même et cette situation a attiré tous les militants de gauche du monde entier, dont beaucoup d’intellectuels français ; dans la foulée sont venus de nombreux « révolutionnaires » de tous bords, au point que la ville d’Alger a pu être surnommée « La Mecque de la révolution ».  Sont alors apparus les « pieds verts », des prédicateurs islamistes du Yemen. Puis, avec le coup d’état de Houari Boumediene en 1965 les « pieds rouges » ont disparu mais les « pieds verts » sont restés et le paysage a pris leur couleur vert entre 1970 et 1980. A cette époque, les gens ne comprenaient pas vraiment ce qui se passait car apparaissait une nouvelle conception de l’islam ; alors qu’ils étaient musulmans et avaient été élevés dans cette religion, ils ne reconnaissaient plus la religion de leur enfance dans ces théories inédites et se posaient la question : « Est-ce cela l’Islam  ? »  Ils ne parvenaient pas à désigner ce nouveau concept religieux, ils appelaient les extrémistes les « égarés », ils n'arrivaient pas à nommer. Ils se trouvaient dans la même position que les Indiens quand les colons sont arrivés en Amérique…



Idées en vrac…

Boualem Sansal se déclare admirateur de Thoreau et de son concept de « désobéissance civile », consistant à refuser de se soumettre à une loi jugée injuste et à la combattre de façon pacifique…



Au sujet de la censure, il pense que 99 % des écrivains la pratiquent sous des formes différentes : soit celle de l’autocensure, soit celle de la censure exercée par un éditeur qui demande la suppression de certains passages soit celle des institutions, qui par exemple, peuvent faire retirer de l’affiche un film trop porteur de polémiques…

Ce que souhaiterait l'auteur : que tout le monde soit assez adulte et mature pour s'asseoir autour d'une table et discuter sereinement et librement de toutes les religions... 

Ce résumé ne rend compte que de quelques sujets abordés par l’auteur, tant l’entretien était riche et captivant pour l’auditoire.

Souhaitons à Boualem Sansal d’écrire encore de nombreux chefs-d'oeuvre, qui sont chacun comme un navire dont il tient fermement le gouvernail dans la tempête…