mercredi 20 mars 2019

Conférence de l'écrivain Mario Levi à l'Association culturelle France-Turquie


L’Association culturelle France-Turquie avait invité ce soir Mario Levi à parler de son travail d’écrivain. Ce fut l’occasion d’une très intéressante rencontre avec cet écrivain dont les livres sont désormais traduits en 34 langues.



L’importance de la langue française dans sa vie

Né en 1957 à Istanbul, Mario Levi explique que s’il appartenait à une famille modeste, la francophonie occupait cependant une place importante dans son entourage, en particulier chez ses grands-parents paternels, francophones et francophiles ; sa grand-mère lui apprend le français parlé lorsqu’il est enfant, et il complète son éducation au Lycée français Saint-Michel. Notons que sa grand-mère maternelle lui récitait des poèmes de Lamartine ou d’Hugo.



Sa vocation d’écrivain

Mario Levi est persuadé qu’il existe un lien entre sa destinée et le fait d’être devenu écrivain. En effet, son rêve était de devenir médecin ; mais les examens d’entrée à l’université de médecine étant essentiellement basés sur les mathématiques, il échoue et entre en philologie française ; c’est alors l’occasion pour lui, grâce à l’aide de professeurs dont il admire le savoir, d’approfondir sa connaissance de la littérature française, dont, selon ses propres mots, « il tombe amoureux ».



Ses sources d’inspiration

Il s’est alors posé la question des sujets sur lesquels il devait écrire ; et constatant que de nombreux essayistes écrivaient sur les minoritaires de Turquie, il se rend compte qu’il dispose d’un « savoir vécu » sur ce sujet et qu’il pourra apporter « une autre voix » à la littérature turque. Nedim Gürsel a d’ailleurs dit de lui qu’il était le premier écrivain à revendiquer son identité juive dans la littérature turque.
En outre, Mario Levi précise que les personnages qui l’intéressent sont ceux qui ont des difficultés d’adaptation dans la société ; il est devenu sans l’avoir voulu le porte-parole d’une certaine marginalité.

Au sujet des prix littéraires

Mario Levi a reçu des prix littéraires mais cela lui semble peu important ; pour lui, pouvoir terminer un livre est un prix en soi. Et il ajoute que toucher le cœur d’un lecteur inconnu qui le remercie pour ce qu’il a écrit équivaut à recevoir un prix. 



Et maintenant ?

L’année 2017 a constitué un tournant dans sa carrière car il voulait écrire quelque chose de différent sur sa ville fétiche. Il a donc décidé d’entreprendre une série de 7 livres, une sorte d’Heptaméron sur 7 quartiers d’Istanbul, dont chaque roman se passe en une seule journée : le premier tome, consacré au quartier de Kadikoy, vient de paraître en Turquie.



Sa conclusion : il a encore besoin de trente années pour mener à bien ses projets d’écriture !




lundi 11 mars 2019

Halide Edip Adivar, romancière, féministe et héroïne de la Guerre d’indépendance turque


Une intellectuelle d’avant-garde

Halide Edip Adivar (1884.1964) est une célèbre romancière turque, auteur d’une vingtaine de livres et connue pour les idées féministes dont ses œuvres sont l’illustration. Eduquée au Collège américain d’Uskudar, à Istanbul, férue de littérature turque et étrangère, elle est l’une des premières femmes turques à avoir obtenu le Baccalauréat. 


Elle traduit d’ailleurs en 1897 le roman de Jacob Abbott, La Mère, ce qui lui vaut d’être décorée par le sultan Abdülhamid. Elle épouse ensuite son ancien professeur de mathématiques, Salih Zeki Bey, dont elle aura deux fils.


Très vite connue pour ses articles dans journaux et revues, en particulier dans la revue Tanin de Tevfik Fikret, elle suscite souvent le scandale par le modernisme de ses idées, et elle publie en 1910 son premier roman, Seviye Talip, racontant l’histoire d’une femme ayant le courage de quitter son époux. Elle est la première femme inscrite dans les « Foyers turcs » nationalistes et fonde une organisation féministe.

Aux côtés de Mustafa Kemal

Pendant la première Guerre mondiale, inspectrice dans les écoles de jeunes filles, elle est ensuite chargée d’ouvrir des écoles en Syrie pour les jeunes Arméniennes orphelines ( Son rôle à cette époque est assez controversé, mes compétences sur le sujet sont trop limitées pour émettre une opinion…) Après son retour à Istanbul, professeur de littérature, remariée en 1917 avec Adnan Adivar, un professeur en médecine, Halide va se lancer dans la politique lors de l’occupation de Constantinople par les Français, Anglais et Italiens et jouer un grand rôle dans la guerre d’Indépendance turque.



Elle attire l’attention sur elle en étant une des premières femmes à prendre la parole dans des  meetings exhortant les Turcs à reconquérir leur souveraineté, ce qui lui vaudra, avec Mustafa Kemal, d’être condamnée à mort par contumace par la justice du sultan. 



Obligée de s’enfuir avec son époux, elle rejoint l’armée clandestine de Mustafa Kemal en Anatolie et y occupe un poste avec le grade de « sergent ».
La période de la Guerre d’Indépendance lui inspirera d’ailleurs deux grands romans, La chemise de feu, en 1922 et Douleur au cœur en 1924.



Les dissensions avec Atatürk

Mais après la fondation de la république turque, Halide Edip se brouille avec Mustafa Kemal, qu’elle accuse d’autoritarisme après qu’il ait fait fermer le « Parti républicain », fondé par Adnan Adivar. Elle choisit alors de s’exiler avec son époux en Angleterre, puis en France, où elle passera dix ans.
De retour en Turquie en 1939, elle occupe la chaire de littérature anglaise de l’Université d’Istanbul et  passera  le reste de sa vie à écrire des romans ou publier dans les journaux, donnant aussi des conférences en Indes et aux Etats-Unis ; elle sera également députée à l’Assemblée nationale durant quatre ans.



Ses romans les plus célèbres sont : Rue de l’épicerie aux mouches, publié en 1935 aux Etats-Unis et l’année suivante en turc sous le titre de Sinekli Bakkal, dans lequel elle raconte l’histoire de Rabia, la fille d’un forain animateur de spectacles populaires,  qui s’oppose au traditionalisme de son grand-père ; et La maison aux glycines, où elle évoque son enfance. La condition des femmes et le contexte historique occupent une grande place dans les romans d’Halide Edip Adivar. 



Cette femme hors du commun peut être considérée comme l’écrivaine turque la plus célèbre de la première moitié du XXe siècle.