samedi 23 mai 2020

Crise du Covid-19 : reprendre « comme avant » pour recréer une société d’enfer ?


« Tout le mal des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas rester en repos dans une chambre »… L’ancienne professeure de philosophie de notre lycée me rappelait récemment, dans une correspondance, cette édifiante citation de Blaise Pascal...

En effet, on n’entend ou ne lit plus sur les réseaux sociaux, les médias, que ce leitmotiv : reprendre vite « comme avant », comme avant la période de confinement… Que signifie cette expression ?



Restaurer un monde où 26 personnes détiennent autant d’argent que plus que 50 % des habitants de la planète ?

Où chaque jour, en 2020, 21000 personnes meurent de la faim et de ses conséquences et où les Nations Unies prévoient « une pandémie de faim » avant 2021 ?
Où rien qu’en France, 7 milliardaires possèdent plus que les 30 % les plus pauvres de la population qui travailleront au moins pendant 42 ans pour les enrichir encore et sans même parvenir à s’acheter un deux-pièces ?
Où, au nom du profit, on met des hordes de gens au chômage pour faire fabriquer à des milliers de kilomètres des objets à coût réduit ?
Où, pour gagner toujours plus, les industries agroalimentaires nous gavent d’aliments ultra-transformés et cancérigènes ?
Où le tourisme de masse pollue irrémédiablement la planète, vide de leurs habitants des lieux devenus cauchemardesques, massacre les animaux sauvages, détruit les sites archéologiques, historiques et naturels ?
Où la pollution de notre terre par les métaux lourds, les plastiques, la radioactivité, les pesticides et j’en passe, est devenue telle que les écologistes prévoient une fatale élévation de la température terrestre puis une pénurie d’eau dans moins de trente ans ?
Où la morale, la conscience, la fraternité, la solidarité, la citoyenneté, l’humanisme, deviennent des mots anachroniques provoquant les ricanements de certains ? Où la notion d’amour entre deux personnes a été supplantée par celle de  « plan cul » ? Où le cynisme a vaincu l’innocence ?




J’arrête là cette liste qui, loin d’être exhaustive, pourrait encore s’allonger des pages et des pages !
Si c’est ça, reprendre comme avant, moi, je ne veux pas et je n’ai envie que de m’exiler au fin fond d’une campagne isolée pour tenter de recréer une société plus humaine !



A l’inverse, et si nous apprenions à méditer sur nous-mêmes, sur nos valeurs, sur ce qui nous rend heureux ou malheureux ?

Pour être heureux, doit-on se fixer comme objectif suprême d’acheter vite le nouvel objet technologique dont le capitalisme effréné a, de toute façon, programmé l’obsolescence ?
Pour être heureux, doit-on se gaver de nourritures contaminées aux pesticides et de produits animaux issus de bêtes élevées dans des conditions que l’adjectif « barbare » ne suffit pas à qualifier ?
Pour être heureux, a-t-on besoin d’aller voir de près un ours polaire séquestré sur ce qu’on lui a laissé de banquise et se faire un « selfie » avec lui ? Ou voyager au bout du monde dans des îles soi-disant paradisiaques pendant que de pauvres hères aux mains rongées par l’eczéma trient nos déchets de touristes sur l’île d’à côté ?


Autant revenir à Pascal et chercher à trouver le bonheur « dans sa chambre », c'est-à-dire en nous-mêmes et autour de nous, par la lecture, la pratique des arts, les relations humaines chaleureuses et les sentiments authentiques !

Je n’ai aucune certitude, je vis dans le doute perpétuel et je ne cherche pas à pontifier. Mais il me semble que si la tragique crise du Covid -19 ne nous laisse comme dessein que de revenir « comme avant », ne nous sert pas à méditer sur les défauts de notre mode de vie du début du XXIe siècle et à changer de société, alors, il sera même plus utile de continuer à engraisser le mercantilisme, parce qu’à la prochaine crise, on tombera tous, riches ou pauvres,  au fond du précipice !