samedi 2 janvier 2016

Apollinaire. Guillaume Apollinaire, le "Mal Aimé"

Article de Gisèle Durero-Koseoglu

Tu t’appelais Guillaume, Albert, Vladimir, Alexandre, Apollinaire de Kostrowitzky.
Tu portais le double fardeau d’être un enfant illégitime et un étranger en France.
Tu as écrit tes premiers vers sous le pseudonyme de “Guillaume macabre”.
Tu n’as pas eu ton Baccalauréat.
Pourtant, tu es l'un des plus grands poètes de la littérature française.


Mon pauvre « Mal aimé »

A 21 ans, pour gagner ta vie, tu acceptes un poste de précepteur en Allemagne, dans un château au bord du Rhin. Et tombes amoureux de la jeune gouvernante anglaise, Annie Playden.

Les colchiques
Le pré est vénéneux mais joli en automne
Les vaches y paissant
Lentement s'empoisonnent
Le colchique couleur de cerne et de lilas
Y fleurit tes yeux sont comme cette fleur-la
Violâtres comme leur cerne et comme cet automne
Et ma vie pour tes yeux lentement s'empoisonne (…)

Cette liaison dure deux ans mais Annie se lasse de ta possessivité et finit par te quitter. Tu  iras à Londres pour tenter de la reconquérir mais en vain. La fleur née de ton chagrin, ce sera la merveilleuse « Chanson du Mal aimé » :

(…) Mon beau navire ô ma mémoire
Avons-nous assez navigué
Dans une onde mauvaise à boire
Avons-nous assez divagué
De la belle aube au triste soir

Adieu faux amour confondu
Avec la femme qui s'éloigne
Avec celle que j'ai perdue
L'année dernière en Allemagne
Et que je ne reverrai plus

Voie lactée ô sœur lumineuse
Des blancs ruisseaux de Chanaan
Et des corps blancs des amoureuses
Nageurs morts suivrons-nous d'ahan
Ton cours vers d'autres nébuleuses (…)



Cher poète du Pont Mirabeau

Tu te mets à fréquenter les peintres, Derain, Vlaminck, Max Jacob et Picasso et prends la défense du Cubisme. 


Guillaume par Metzinger en 1910


Grâce à tes nouveaux amis, tu te lies avec l’artiste Marie Laurencin, dont tu te sépareras au terme d’une liaison chaotique qui se termine par « la chanson triste de cette longue liaison brisée », le poème « Le Pont Mirabeau » :

Sous le pont Mirabeau coule la Seine
Et nos amours
Faut-il qu'il m'en souvienne
La joie venait toujours après la peine
Vienne la nuit sonne l'heure
Les jours s'en vont je demeure (…)



Soupçonné, en partie parce que tu es un étranger, d’être complice du vol de "La Joconde", tu es incarcéré 4 jours à la Santé en 1911 !




Dynamique chantre du modernisme avec Alcools

C’est en 1913 que tu fais paraître ton recueil Alcools, un des plus beaux que je connaisse, et dont de nombreuses poésies avaient déjà été publiées dans des revues. Juste avant de signer le « bon à tirer du livre », tu y opères une révolution : tu supprimes la ponctuation, désarticules tes sonnets et coupes certains de tes alexandrins. Tu veux être moderne ! Le premier poème du recueil, « Zone »,  mélange d’ailleurs autobiographie et éloge de la ville moderne :

(…) Tu es seul  le matin va venir
Les laitiers font tinter leurs bidons dans les rues
La nuit s'éloigne ainsi qu'une belle Métive
C'est Ferdine la fausse ou Léa l'attentive

Et tu bois cet alcool brûlant comme ta vie
Ta vie que tu bois comme une eau-de-vie

Tu marches vers Auteuil tu veux aller chez toi à pied
Dormir parmi tes fétiches d'Océanie et de Guinée
lls sont des Christs d'une autre forme et d'une autre croyance
Ce sont les Christs inférieurs des obscures espérances

Adieu Adieu
Soleil cou coupé

Guillaume par Marie Laurencin en 1909

Mon petit soldat français

En 1914, tu t’engages, ce qui te permettra d’acquérir enfin la nationalité française en 1916.  Tu rencontres Louise de Coligny-Châtillon, à qui tu dédieras les Poèmes à Lou.


Grièvement blessé à la tête par un éclat d’obus en 1916, tu es trépané.


Tu te fiances brièvement avec Madeleine Pagès, ce qui nous a valu le texte de ta "Confession".





En 1918, tu  publies les merveilleux Calligrammes, épouses Jacqueline Kolb, la « jolie rousse » mais ironie du sort, tu meurs de la grippe espagnole la même année, le 13 novembre ! 




Très cher Guillaume Apollinaire, tu ne mourras jamais vraiment, tes vers continueront à enchanter les lecteurs et lectrices, qui, comme moi, t’adorent ! 

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