mardi 19 janvier 2016

Montesquieu. Le 18 janvier 1689 naissait Montesquieu, le philosophe aux mille facettes !

On ne présente plus Montesquieu, les biographies abondent pour décrire celui qui fut un des plus célèbres philosophes des Lumières. 


Je me pencherai donc sur les éléments demeurant en marge de ses biographies officielles.

Car Charles-Louis de Secondat, baron de La Brède,  baron de Montesquieu, n’est pas le personnage austère que l’on pourrait imaginer en constatant qu’il a consacré quatorze années de sa vie à écrire L’Esprit des Lois !

Passionné de sciences au point d’avoir publié trois communications scientifiques sur l’écho, les glandes rénales et la pesanteur, penseur politique et sociologue dans les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence (1734) et De l'esprit des lois (1748), écrivain satirique dans Les Lettres persanes (1721), libertin dans Le Temple de Gnide (1720), auteur d’un Essai sur le goût (1757), président à mortier du Parlement de Bordeaux, homme éclairé épousant une protestante, bel esprit brillant dans le Salon de Madame de Lambert, académicien, grand voyageur ayant parcouru l’Europe, gentilhomme vigneron exploitant un immense domaine vinicole produisant du vin de Bordeaux, la personnalité de Charles-Louis, que l’on fit tenir sur les fonds baptismaux par un mendiant nommé Charles, pour qu’il se souvienne que les pauvres sont ses frères, est protéiforme !

Jadis, le billet de 200 francs, surnommé "un Montesquieu"...

Un gentilhomme campagnard passionné par ses vignobles

Charles-Louis voit le jour le 18 janvier 1689 au Château de la Brède, dans un extraordinaire édifice moyenâgeux cerclé de douves surmontées de pont-levis. C’est dans ce havre de paix qu’il écrira ses grandes œuvres.


Le site du Château de la Brède, qui reçut en 2012, du Ministère de la culture,  le label de « Maison des Illustres »,  nous apprend que la bibliothèque de Montesquieu comportait plusieurs milliers de livres  ; sa dernière descendante, la comtesse Jacqueline de Chabannes, en a fait don à la bibliothèque municipale de Bordeaux.


Gentilhomme campagnard, Montesquieu est amoureux de son domaine : enrichi par son mariage qui fait tomber des centaines d’hectares de terrains de Graves dans son escarcelle, héritier de son père et de son oncle, il n’a de cesse d’embellir et de faire fructifier ses propriétés, en particulier son domaine vinicole. Son amour pour ses terres est tel qu’il fait graver sur la porte d’entrée, « Delicia domini »,  les délices du maître.


Chef d’entreprise avisé, il utilise sa renommée d’écrivain pour commercialiser son vin des coteaux des Graves, et le vend à l’Angleterre. 



Notons que le vin de Bordeaux du Château de la Brède est encore célèbre aujourd'hui…

Un amoureux du Temple de Gnide ? 


On ne sait pas grand-chose de ses amours, si ce n’est qu’il a épousé en 1715, à l’âge de 26 ans, la protestante Jeanne de Lartigue ; mais on peut noter qu’il ne l’emmènera pas lors de ses déplacements, en particulier lors de ses longs voyages entre 1728 et 1731, lorsqu'il fait le tour de l’Europe et séjourne même un an et demi en Angleterre. Les commérages disent qu’il n’aurait pas eu beaucoup de temps à consacrer à son épouse…
On sait cependant de lui qu’il aime l’amour ! En effet, en 1725, il publie Le Temple de Gnide, poème d’inspiration mythologique qu’il nomme « roman » pour Mademoiselle de Clermont, à la cour de Chantilly.


 Mademoiselle de Clermont en sultane par Jean-Marc Nattier (1733) Londres, Wallace Collection


Ce roman, soi disant traduction d’un manuscrit grec acheté dans l’Empire ottoman par un ambassadeur,  considéré à l’époque comme érotique, lui vaut immense succès (un des grands tirages du XVIIIe siècle)  et scandale. Dans sa préface, il souhaite « plaire au beau sexe, à qui il doit le peu de moment heureux qu’il compte dans sa vie et qu’il adore encore » !


Sur le site de la BNF, on apprend que l’édition de 1772 de cet ouvrage, avec des gravures de Charles Eisen, fut considérée comme un des plus beaux livres du XVIIIe siècle.
Selon le livre d’Inès Murat, Madame du Deffand (2003), après la publication des Lettres persanes, lorsqu'il était à la mode dans les Salons, Charles-Louis aurait eu un faible pour Madame de Mirepoix, grande dame menant un train de vie fastueux, joueuse invétérée et amie de la Pompadour ; il lui a dédié un poème dont voici le début :

La beauté que je chante ignore ses appas
Mortels, qui la voyez, dites-lui qu’elle est belle
Naïve, simple, naturelle
Et timide sans embarras.
Telle est la jacinthe nouvelle…


Mais sa correspondance nous révèle en réalité une liaison passionnée avec Marie-Anne Goyon de Matignon, Marquise de Graves, sans doute représentée sous les traits de « Thémire » dans Le Temple de Gnide, et à qui, retenu à la Brède par la mort de son beau-père, il écrit au printemps de 1725 :
Je pense et repense tous les jours à ce profond silence. La solitude où je suis entretient encore mes chagrins et ma profonde mélancolie. Des intérêts d’honneur et de famille m’attachent encore pour sept ou huit mois dans ce pays-ci : je commence à sentir combien ce temps me va coûter cher. Ce sera la dernière lettre dont je t’accablerai : je ne te demande qu’une grâce, qui est de croire que je t’aime encore ; peut-être que c’est la seule chose que je puisse à présent espérer de toi… Mon cher cœur, si tu ne m’aimes plus, cache-le-moi encore pour quelque temps ; je n’ai pas encore la force qu’il faut pour pouvoir l’apprendre. Ayez pitié d’un homme que vous avez aimé, si vous n’avez pas pitié du plus malheureux de tous les hommes…
Quoi qu’il en soit, on ne peut qu’être séduit par l’humour- Madame du Deffand ne disait-elle pas qu’il faisait de « l’esprit sur les lois « ? - le modernisme, la tolérance de ce grand esprit né juste un siècle avant la Révolution, qui a si bien su décrypter les rouages de la vie politique, a consacré toute son existence au savoir, et nous a laissé, parmi tant d’autres, ce conseil imparable :  « Je n’ai jamais eu de chagrin qu’une heure de lecture n’ait dissipé. »









Quelques sources pour en savoir plus :
Site du Château de la Brède : http://www.chateaudelabrede.fr
Des lettres, le site des correspondances et des lettres : http://www.deslettres.fr
Site SIGM, Savoirs et Images en Graves-Montesquieu : http://www.si-graves-montesquieu.fr




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