Gisèle Durero-Koseoglu présente un roman turc de Claude Farrère, L'Homme qui assassina, roman de Farrère et analyse, collection Istanbul de Jadis, Editions GiTa, 2013.
L’Homme qui assassina ou les fantômes
d’un Istanbul début de siècle et fin d’Empire…
L’Homme qui assassina, chef-d’œuvre de Claude Farrère, publié en 1907, est un roman de l’ombre et de l’errance.
Le roman
de la nuit stambouliote, reluisant des « illuminations de jadis, aux
bonnes vieilles chandelles, des illuminations de Watteau, pareilles à des
rangées d’étoiles... »
Le récit d’un amour impossible s’épanouissant au
fil des balades dans le vieux Stamboul et des remontées du Bosphore en caïque.
Istanbul du
début du XXe siècle, avec ses soirées d’ambassade où attachés militaires et
espions se confondent, où le même sens intransigeant de l’honneur anime
diplomates étrangers et dignitaires du sultan, où le monde européanisé de Péra,
avec ses minoritaires, coexiste avec une société islamique vivant encore au
rythme des injonctions du Coran.
Monde baroque et mystérieux, qui ensorcelle sur-le-champ Renaud de Sévigné et va définitivement bouleverser sa vie. Jusqu'où cet attaché militaire près l’Ambassade de France en Turquie va-t-il s’égarer, en compagnie de l’envoûtante Lady Falkland, dans la magie du vieux Stamboul ?
Le livre, entremêlant histoire d’amour, roman d’espionnage, intrigue policière et récit exotique, met en scène un univers romanesque inquiétant, évoqué avec passion par Claude Farrère, celui de la ville d’Istanbul dans les derniers fastes de l’Empire ottoman …
Lorsque Pierre Loti prend, en 1903, le commandement du Vautour, navire stationnaire de l’Ambassade de France
à Tarabya, il ne sait pas encore que l’enseigne de vaisseau Charles Bargone,
venu l’accueillir au port de Galata, est un écrivain dont le recueil Fumée
d’opium est sur le point d’être publié. Très vite, les deux hommes font
connaissance et Charles Bargone, alias Claude Farrère, habitué des salons des dames de Péra, conduit Loti dans les soirées
de la société stambouliote. Et en particulier dans celles d’un yalı
célèbre, que, fasciné par la maîtresse de maison, il fréquente assidûment.
L’histoire a
commencé dans un éclat de rire.
Introduit par
un ami dans ce yalı où règne une belle comtesse mariée, Claude Farrère relève le défi quand celle
qu’il surnommera « Stratonice » lui
propose de fumer un narguilé. Il tire un peu trop fort sur le
« chibouk » et manque de tourner de l’œil. Stratonice éclate de rire.
C’est le début d’une folle passion clandestine qui conduira Farrère à parcourir
le Bosphore en caïque, de nuit, pour tenter
d’apercevoir, dans la lumière des fenêtres, la silhouette de celle qu’il
aime.
Mais une
lettre du ministère de la Marine annonce à Charles Bargone que sa mission à
Istanbul est terminée. C’est la mort dans l’âme qu’il regagne la France. Et se
console dans l’écriture. Avec un grand talent puisque son roman, Les
Civilisés, se voit attribuer le prix Goncourt. Mais son cœur est demeuré à
Istanbul.
S’il a, dans
sa vie publique, jalousement conservé le secret de cette liaison, Claude Farrère l’a en partie révélé dans ses écrits
ou ses lettres privées. Car les affres de sa passion pour Stratonice, il les
transposera en partie dans L’Homme qui assassina. Éperdument amoureux de
Lady Falkland, femme noble persécutée par un odieux époux qui la bafoue en
imposant sa maîtresse dans l’habitation conjugale, Renaud de Sévigné, devient un familier de la
belle, arpente avec elle les rues du vieux Stamboul, jusqu'à ne plus pouvoir
dissimuler ses sentiments :
Je suis
sceptique, blasé, glacé, vieux, vieux ! Mais je vous aime et je suis à
vous. A vous !... Disposez de moi, commandez ! Voici ma fortune, mon
nom, ma force d’homme et de soldat, tout ce que je suis…
Stratonice était une reine de l’Antiquité grecque mariée au roi Seleucos. Ce
dernier apprit un jour que son fils Antiochos, enfant d’un premier lit, était
amoureux de Stratonice. Aussi décida-t-il de se sacrifier et de rompre son
mariage pour permettre à son fils d’épouser Statonice.