«
Tout le mal des hommes vient d'une seule chose, qui est de ne savoir pas rester
en repos dans une chambre »… L’ancienne professeure de philosophie de notre
lycée me rappelait récemment, dans une correspondance, cette édifiante citation
de Blaise Pascal...
En
effet, on n’entend ou ne lit plus sur les réseaux sociaux, les médias, que ce
leitmotiv : reprendre vite « comme avant », comme avant la période de
confinement… Que signifie cette expression ?
Restaurer
un monde où 26 personnes détiennent autant d’argent que plus que 50 % des
habitants de la planète ?
Où
chaque jour, en 2020, 21000 personnes meurent de la faim et de ses conséquences
et où les Nations Unies prévoient « une pandémie de faim » avant 2021 ?
Où
rien qu’en France, 7 milliardaires possèdent plus que les 30 % les plus pauvres
de la population qui travailleront au moins pendant 42 ans pour les enrichir
encore et sans même parvenir à s’acheter un deux-pièces ?
Où,
au nom du profit, on met des hordes de gens au chômage pour faire fabriquer à
des milliers de kilomètres des objets à coût réduit ?
Où,
pour gagner toujours plus, les industries agroalimentaires nous gavent
d’aliments ultra-transformés et cancérigènes ?
Où
le tourisme de masse pollue irrémédiablement la planète, vide de leurs
habitants des lieux devenus cauchemardesques, massacre les animaux sauvages,
détruit les sites archéologiques, historiques et naturels ?
Où
la pollution de notre terre par les métaux lourds, les plastiques, la
radioactivité, les pesticides et j’en passe, est devenue telle que les
écologistes prévoient une fatale élévation de la température terrestre puis une
pénurie d’eau dans moins de trente ans ?
Où
la morale, la conscience, la fraternité, la solidarité, la citoyenneté,
l’humanisme, deviennent des mots anachroniques provoquant les ricanements de
certains ? Où la notion d’amour entre deux personnes a été supplantée par celle
de « plan cul » ? Où le cynisme a vaincu
l’innocence ?
J’arrête
là cette liste qui, loin d’être exhaustive, pourrait encore s’allonger des
pages et des pages !
Si
c’est ça, reprendre comme avant, moi, je ne veux pas et je n’ai envie que de
m’exiler au fin fond d’une campagne isolée pour tenter de recréer une société
plus humaine !
A
l’inverse, et si nous apprenions à méditer sur nous-mêmes, sur nos valeurs, sur
ce qui nous rend heureux ou malheureux ?
Pour
être heureux, doit-on se fixer comme objectif suprême d’acheter vite le nouvel
objet technologique dont le capitalisme effréné a, de toute façon, programmé
l’obsolescence ?
Pour
être heureux, doit-on se gaver de nourritures contaminées aux pesticides et de
produits animaux issus de bêtes élevées dans des conditions que l’adjectif «
barbare » ne suffit pas à qualifier ?
Pour
être heureux, a-t-on besoin d’aller voir de près un ours polaire séquestré sur
ce qu’on lui a laissé de banquise et se faire un « selfie » avec lui ? Ou
voyager au bout du monde dans des îles soi-disant paradisiaques pendant que de
pauvres hères aux mains rongées par l’eczéma trient nos déchets de touristes
sur l’île d’à côté ?
Autant
revenir à Pascal et chercher à trouver le bonheur « dans sa chambre »,
c'est-à-dire en nous-mêmes et autour de nous, par la lecture, la pratique des
arts, les relations humaines chaleureuses et les sentiments authentiques !
Je
n’ai aucune certitude, je vis dans le doute perpétuel et je ne cherche pas à
pontifier. Mais il me semble que si la tragique crise du Covid -19 ne nous
laisse comme dessein que de revenir « comme avant », ne nous sert pas à méditer
sur les défauts de notre mode de vie du début du XXIe siècle et à changer de
société, alors, il sera même plus utile de continuer à engraisser le
mercantilisme, parce qu’à la prochaine crise, on tombera tous, riches ou
pauvres, au fond du précipice !