Les Précieuses s’y connaissaient dans l’art de se faire
désirer par leurs amoureux ! Pour séduire sa belle, comme l’indique
la Carte de Tendre, représentant de
façon allégorique les étapes de l’amour selon la Préciosité, il fallait passer
par les villages de « Joli-Vers… Billet-Galant… Billets-Doux… » Gare
aux impatients faisant preuve de précipitation pour parvenir aux
« derniers engagements » ! C’était la noyade garantie dans le
« Lac d’Indifférence » !
Gravure attribuée à François Chauveau et représentant la
carte du pays de l’amour, « Tendre », imaginé par la romancière
Mademoiselle de Scudéry, dite « Sappho » (1607-1701), dans le plus
long roman de la littérature française, Clélie,
histoire romaine, entre 1654 et 1660.
Un des exemples les plus célèbres de l’histoire de la galanterie précieuse fut l’entreprise de séduction menée par le Duc de Montausier pour séduire Julie d’Angennes.
Un des exemples les plus célèbres de l’histoire de la galanterie précieuse fut l’entreprise de séduction menée par le Duc de Montausier pour séduire Julie d’Angennes.
Qui était donc la belle Julie ?
La fille aînée de
Catherine de Vivonne, Marquise de Rambouillet, célèbre salonnière, et du Marquis
de Rambouillet.
Catherine de Vivonne
Catherine « l’Incomparable Arthénice » et sa fille Julie, « Princesse Julie », animent un salon où se rencontrent tous les gens à la mode de l’époque : Voiture, Benserade, Chapelain, Vaugelas, Segrais, Richelieu, Rotrou, Scudéry, Corneille, Condé, Madame de Lafayette, Mademoiselle de Scudéry, Madame de Sévigné… Ce n’est que lorsqu’on fréquente la « Chambre bleue », où Catherine de Vivonne, telle une déesse, trône sur son lit d’apparat et qu’on a passé des heures assis dans sa « ruelle » (le tour de son lit) » que l’on peut se targuer de mériter l’étiquette de « Précieux » ou de « Précieuse » !
Elevée dans l’atmosphère des Salons, fleuron des réunions
de sa mère, Julie s’y connaissait donc en matière de subtilités
amoureuses ! On la disait belle, spirituelle, cultivée. Ses soupirants ne
se comptaient pas. Le roi de Suède Gustave-Adolphe, aurait, sans jamais l’avoir
vue, entretenu avec elle une correspondance passionnée ; le poète Voiture était si épris d’elle qu’un
jour, il ne put se retenir de lui embrasser le bras, ce qui déclencha la fureur
de la belle…
Vincent Voiture
Vincent Voiture
Qui eut donc les faveurs de cette femme savante peu
pressée de se marier ? Le duc Charles de Montausier !
Selon le critique Jules Tellier, le Grand Siècle a vu en
Charles le modèle le plus accompli de « l'honnête homme ». Mais il faut préciser que Charles de
Montausier était un monsieur de mœurs si sévères qu’on l’avait surnommé
« fagot d’orties » !
C’était donc là où le bât blessait : Charles n’était pas très
amusant !
La seule fantaisie de sa vie fut donc de tomber follement
amoureux, en 1631, d’une femme qui « n’était pas son genre » !
On comprend l’hésitation de Julie. Elle, si coquette, si
mondaine, la reine des Salons, se marier à un « bonnet de nuit » ? On
a murmuré à l’époque que Charles et Julie avaient servi de modèle à Molière
pour l’Alceste et la Célimène de son Misanthrope…
Pour décider Julie à l’épouser, Charles va lui offrir un merveilleux cadeau :
Pour décider Julie à l’épouser, Charles va lui offrir un merveilleux cadeau :
Le plus extraordinaire livre de l’époque, un recueil de soixante-deux
poèmes sur des fleurs dont chacune représente une des qualités de Julie. Il
compose en personne seize madrigaux mais fait appel aux amis de Julie pour écrire
les autres et charge Nicolas Robert, célèbre peintre spécialiste des dessins de
botanique, de réaliser les illustrations.
Un matin de 1641, le jour de la Sainte-Julie, (soit dix ans quand même après les premiers battements de son cœur…) il enferme le précieux manuscrit, à la reliure de maroquin rouge ornée des initiales « J » et « C » enlacées, dans un sac de soie et le fait porter à son égérie pour son réveil.
Le madrigal de la tulipe :
Un matin de 1641, le jour de la Sainte-Julie, (soit dix ans quand même après les premiers battements de son cœur…) il enferme le précieux manuscrit, à la reliure de maroquin rouge ornée des initiales « J » et « C » enlacées, dans un sac de soie et le fait porter à son égérie pour son réveil.
Le madrigal de la tulipe :
Permettez-moi,
belle Julie,
De
mêler mes vives couleurs
À
celles de ces rares fleurs
Dont
votre tête est embellie :
Je
porte le nom glorieux
Qu’on
doit donner à vos beaux yeux
Bon, l’effet en fut-il admirable ? Il ne fallut plus
que quatre ans à Julie pour se décider à l’épouser !
Ils se marient enfin en 1645, elle a 38 ans et lui 35.
A force d’atermoiements…
Ils se marient enfin en 1645, elle a 38 ans et lui 35.
A force d’atermoiements…
Sources : Présentation d’Olivier Barrot, La Guirlande de Julie, 1 livre 1 jour, 1991 Lien vers la vidéo
La Guirlande de
Julie, préface de Irène Frain, Ed. Laffont et Bibliothèque
nationale