Article de Gisèle Durero-Koseoglu
Aujourd’hui, 17 octobre 2017, fut un jour marqué d’une pierre blanche : car nous avons eu la chance de recevoir la visite, dans notre lycée, de la plus célèbre écrivaine turque, Ayse Kulin.
Aujourd’hui, 17 octobre 2017, fut un jour marqué d’une pierre blanche : car nous avons eu la chance de recevoir la visite, dans notre lycée, de la plus célèbre écrivaine turque, Ayse Kulin.
Par
sa grâce naturelle, sa gentillesse, sa modestie et la passion avec laquelle
elle parle de l’écriture, Ayse Kulin a captivé l’auditoire composé
d’adolescents. Son charisme a charmé, au sens propre, l’assemblée.
Pour
les lecteurs passionnés de littérature, voilà donc le compte-rendu de la
causerie.
Quand a-t-elle commencé à
écrire ?
Elle
a écrit très tôt mais elle ne parvenait pas à se faire publier. C’est avec le
roman Son nom, Aylin qu’elle est
devenue soudain célèbre, remportant alors plusieurs prix littéraires.
Deux citations d’Ayse Kulin
(Traduction de « Yazmak
uzere tasarlandim onun için yaziyorum » »
« J’écris au fil de la vie qui
passe »
(Traduction de « Hayat
akarkin yaziyorum)
Comment et où écrit-elle ?
Elle
écrit partout, à la maison, à l’extérieur, en voyage. Elle explique qu’elle a
appris à écrire même au milieu du bruit, dans le bus, le métro, dans la cuisine,
en préparant le repas. Dans les transports en commun, elle observe les autres.
Elle ne se déplace jamais sans son ordinateur, mettant à profit le plus petit
laps de temps pour écrire.
Quels conseils donnerait-elle à un
écrivain en herbe ?
-Beaucoup
lire
-Etre
un bon observateur
-Tenir
un journal pas seulement des faits mais surtout des sentiments ressentis à l’égard
de ces faits
Combien de temps met-elle pour
écrire un livre ?
Elle
a l’avantage d’écrire très vite, elle met un an en moyenne pour composer un
roman (elle n’a pas d’autres ressources que l’écriture). Mais le livre Sevdalinka, qui imposait de nombreuses
recherches historiques, lui a demandé un temps de travail plus long. Elle
explique qu’elle pleurait en lisant les documents qui lui ont servi à écrire le
roman. D’ailleurs, elle considère son voyage en Bosnie-Herzégovine, où elle a recueilli
des témoignages bouleversants sur les horreurs perpétrées pendant la guerre de
l’ex-Yougoslavie, comme un des tournants de son existence, car elle a été déçue
par l’absence de réaction des Européens face à la barbarie. Cet épisode de la
causerie fut particulièrement émouvant, certains avaient les larmes aux yeux
lorsque l’écrivaine évoqua cette « blessure
qui saigne encore »…
« Le livre est une leçon de vie »
Ayse
Kulin raconte une anecdote intéressante : un jour qu’elle se trouvait à la
fenêtre, chez sa mère, elle a vu un pauvre hère en train de fouiller les
poubelles, elle s’est mise en colère car il salissait le trottoir et elle l’a
morigéné. Puis, après une invitation sur un plateau de télévision avec l’écrivaine
Nalan Turkeli, elle s’est plongée dans
la lecture du livre Etre une femme dans
un bidonville (Varosta kadin olmak),
a découvert les rudes conditions d’existence de ceux qui vivent en triant les ordures
de la ville et a eu honte de sa colère contre le miséreux. « Ce livre a
constitué un point de non-retour. Maintenant, c’est contre ce système qui force
les gens à fouiller les poubelles que je m’indigne », précise-t-elle.
Les livres qu’elle est le plus
heureuse d’avoir écrit ?
Ce sont les romans Türkan et Le Pont (Köprü)
Türkan est un roman consacré à la célèbre doctoresse
Türkan Saylan. Spécialiste de
dermatologie, elle s’est consacrée au traitement des lépreux, jusqu’à parvenir
à éradiquer la maladie. Puis, elle a crée une fondation, « Kardelen »,
soit, « Le Perce-Neige », pour faire étudier les filles des milieux
défavorisés…
L’absence
de pont sur l’Euphrate, empêchant d’acheminer à temps les blessés ou les femmes
sur le point d’accoucher, accablait les habitants d’une région déshéritée… Le Pont raconte comment ils sont
parvenus, à l’aide du préfet, à construire sur le fleuve le pont qui leur sauva
la vie…
Au sujet du roman Füreyya…
Ce
livre raconte la chute de l’Empire ottoman et les débuts de la république à
travers la destinée d’une femme, la grande céramiste turque Füreyya…
Au sujet de « Dernier train
pour Istanbul » (Nefes Nefese)
C’est
en constatant que des Israéliens venaient assister aux obsèques d’anciens diplomates
turcs en poste en France durant la Seconde Guerre mondiale qu’Ayse Kulin a découvert
l’action qu’ils avaient menée pour sauver des Juifs de la déportation.
(voir à
ce sujet mon article « Dernier train
pour Istanbul ou le suspense à bout de souffle » https://giselelitterature.blogspot.com.tr/2017/10/ayse-kulin-dernier-train-pour-istanbul.html
ou http://gisele.ecrivain.istanbul.over-blog.com/2017/10/ayse-kulin.dernier-train-pour-istanbul-ou-le-suspense-a-bout-de-souffle.html)
Un
jour de pluie, alors qu’Ayse Kulin se rendait au Musée du Judaïsme d’Istanbul
pour consulter les archives, il se mit à pleuvoir à seaux. C’est alors qu’elle
fit connaissance avec une dame qui s’était réfugiée là pour échapper à l’averse ;
or, il se trouve que cette dernière avait justement fait partie des passagers
du dernier train pour Istanbul… Il y eut en réalité trois wagons qui en l’espace
de deux mois, conduisirent à Istanbul 300 familles juives de France. Au
passage, Ayse Kulin a rappelé aussi l’action de Monseigneur Roncalli (futur
pape Jean XXIII), qui, en poste à Istanbul, fabriqua de faux certificats de
baptême qu’il fit acheminer en France et en Allemagne par la valise diplomatique
des consuls de Turquie…
« Le livre nous ouvre les
portes d’un monde que nous ne connaissons pas. Dans chaque livre, il y a
quelque chose qui va nous toucher. La lecture des romans développe notre
faculté d’empathie. Les livres nous
rendent meilleurs car, sans nous en rendre compte, nous engrangeons des connaissances.
Il faut lire en ouvrant son cœur… »
Le
dernier roman d’Ayse Kulin s’intitule Kanadı
Kırık Kuşlar, soit, Les Oiseaux aux
ailes brisées…