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dimanche 14 février 2016

Saint-Valentin. Fabuleuses amours d'écrivains fabuleux !


Les histoires d’amour des écrivains sont parfois hors norme. C’est pour cela qu’en ce jour de Saint-Valentin, j’ai envie de vous en raconter quelques-unes,  dont le point commun n’est autre que : l’amour se moque de l’âge.
Lecteur, lectrice, c’est le moment de laisser tes préjugés à la porte !

Montaigne, 55 ans, Marie de Gournay, 23 ans…



Lorsque l’année de ses dix-huit ans, Marie, jeune fille très intellectuelle et féministe pour son époque, découvre les Essais de Montaigne, elle est tellement envoûtée par l’œuvre qu’elle ne rêve plus que de rencontrer… l’homme. Ce n’est que cinq ans plus tard qu’elle lui écrit enfin ; Montaigne la rencontre dès le lendemain. Leur histoire ?  Je ne regarde plus qu’elle au monde, confie Montaigne ! Quant à ses sentiments  à elle, Montaigne évoquera avec nostalgie  la véhémente façon dont elle (l’)aima et (le) désira longtemps...




 Car Montaigne est marié et Marie a une mère qui la surveille. Les amoureux doivent donc se résoudre à la séparation. Pour se consoler, Montaigne, même s’il avoue l’aimer plus que paternellement,  fera d’elle sa «  fille d’alliance ». Ils ne se verront plus mais continueront de s’écrire. Et à la mort du grand écrivain, ce sera elle qui publiera la première édition posthume des Essais, celle que l'on nomme 

Diderot et Sophie Volland : le grand amour à la quarantaine …

Il a 41 ans, il est marié, il travaille à l’Encyclopédie ; elle a 38 ans, elle est, à l’époque, ce que l’on nomme une « vieille fille ». Elle s’appelle « Louise-Henriette » mais Diderot la rebaptise « Sophie », du nom du personnage de sa pièce, Le Fils naturel. Leur relation passionnée dure cinq ans. Mais un jour, drame !
Madame Volland surprend les amoureux ensemble, et surcroît de malchance, Madame Diderot découvre une lettre de Sophie à son mari. Alors, tombe le verdict : Madame Volland emmène Sophie sur ses terres et Madame Diderot menace, en cas de divorce, d’interdire à Diderot de voir Angélique, sa fille chérie !



En l'absence de portrait de Sophie Volland, j'ai utilisé le portrait de Sophie Arnould, grande actrice du XVIII e siècle peinte par Greuze en 1773.

C’est à partir de ce moment que Diderot développe la métaphore d’Héloïse et Abélard pour évoquer leur amour. Les deux amants n’ont plus qu’une solution pour continuer à communiquer : s’écrire ! 



Portrait de Diderot par Van Loo en 1767

Ce qui nous a valu une des plus belles correspondances de la littérature française, les Lettres de Diderot à Sophie Volland

Et aussi de sublimes mots d’amour : Avec vous, je sens, j’aime, j’écoute, je regarde, je caresse, j’ai une sorte d’existence que je préfère à toute autre. Si vous me serrez dans vos bras, je jouis d’un bonheur au delà duquel je n’en conçois point. Il y a quatre ans que vous me parûtes belle ; aujourd’hui je vous trouve plus belle encore ; c’est la magie de la constance, la plus difficile et la plus rare de nos vertus.

Quant aux lettres de Sophie ? Perdues…  Ils mourront à cinq mois d’intervalle l’un de l’autre.

Laure de Berny, 45 ans, Honoré de Balzac, 23 ans…


Laure de Berny peinte par Henri-Nicolas Von Gorp

L’année de ses 22 ans, Balzac tombe amoureux de Laure de Berny. Qui est donc cette dame pour laquelle le jeune Honoré va éprouver la grande passion de sa jeunesse ? Née douze ans avant la Révolution française, elle est la fille du professeur de harpe de la reine Marie-Antoinette ;  notons au passage qu’elle a un an de plus que la mère de Balzac et a mis au monde neuf enfants… Quant à Balzac, grand lecteur de Rousseau, aurait-il reconnu en Laure une nouvelle Madame de Warens ? Pendant longtemps, Laure de Berny repousse les déclarations enflammées d’Honoré,  qui n’a qu’un seul souhait : Etre célèbre et être aimé… Mais, en 1822, elle finit par s’abandonner à ce grand amour, qui va faire scandale. Elle sera pour Honoré une mère (la mère de Balzac avait trente-deux ans de moins que son époux et n’avait jamais manifesté de tendresse à Honoré, né de son mariage malheureux, alors qu’elle chérissait son autre fils, qu’elle avait eu avec son amant... Pauvre Honoré…), une confidente, une amie, une conseillère, une maîtresse et un soutien. Pendant la douzaine d’années que durera leur liaison, elle l’introduit dans tous les milieux qu’il décrira ensuite dans ses romans.



Celle que Balzac surnomma « La Dilecta » (l’aimée), sera aussi sa muse : elle servira de modèle à Madame de Mortsauf dans le roman, en grande partie autobiographique, Le Lys dans la vallée, qu’elle aura d’ailleurs le bonheur de lire peu avant sa mort : Elle fut non pas la bien aimée, mais la plus aimée…  Le lys, c’était elle… Puis, elle inspirera aussi le personnage de Madame de Bargeton, dans Les Illusions perdues. Après la mort de Laure, Balzac écrira :

 « La personne que j’ai perdue était plus qu’une mère, plus qu’une amie, plus que toute créature peut être pour une autre (…). Elle m’avait soutenu de parole, d’action, de dévouement pendant les grands orages. Si je vis, c’est par elle. Elle était tout pour moi... »


George Sand et Jules Sandeau : quand l’amour fait naître une écrivaine…




Portrait de George Sand par Auguste Charpentier en 1838

On connaît les amours tumultueuses de George Sand avec Alfred de Musset ou Frédéric Chopin. Mais on oublie trop souvent de parler de sa liaison avec Jules Sandeau. Elle revêtit pourtant une importance capitale dans la vie de l’écrivaine car elle fut à l’origine de la métamorphose qui transforma Aurore Dupin en George Sand !

Après neuf ans de mariage avec Casimir Dudevant, dont elle eut deux enfants, Aurore Dupin fait scandale en quittant son époux pour suivre à Paris son jeune amant, Jules Sandeau, alors âgé de dix-neuf ans. 



Tous deux, ils donnent au Figaro des articles signés « J. Sand », puis écrivent ensemble deux romans, Le Commissionnaire  (1830) et Rose et Blanche (1831). C’est à cette époque que la romancière commence à porter des habits d’homme. La raison ? Son époux lui a « coupé les vivres » et porter un vêtement masculin coûte bien moins cher que se revêtir des robes compliquées des dames de cette époque. 
Au fur et à mesure qu’Aurore devient plus célèbre,  la liaison avec Sandeau se dégrade. Mais elle continuera pourtant à utiliser leur pseudonyme ; en 1832, elle écrit seule Indiana et signe « G. Sand » ; c’est un immense succès ! L’an d’après, lorsqu'elle publie Lélia, autre « best-seller » condamnant le mariage, Aurore (qui quitte Jules Sandeau) a définitivement adopté  le nom de « George (sans « s ») Sand !


Marguerite Duras et Yann Andréa : 38 ans de différence !

Elle l’a racontée dans son livre Yann Andréa Steiner, en 1992.
Il l’a  racontée dans son livre, Cet amour-là, en 1999.
Quoi ? Me demanderez-vous ?
Leur extraordinaire histoire d’amour.
La plus étonnante, sans doute, de toutes celles que je viens de vous raconter...

L’année de ses vingt ans, lorsque Yann Andréa découvre le livre de Marguerite Duras, Les Petits chevaux de Tarquinia, il n’est rien moins que subjugué. Deux ans plus tard, lors de la projection du film de Marguerite Duras, Indian Song, il parvient à faire connaissance avec elle, ils vont boire un pot ensemble.  Il lui écrira ensuite de nombreuses,  elle ne répond jamais. Mais le jour où, en 1980,  il cesse de lui écrire, Marguerite s’inquiète. Et cette fois, c’est elle qui lui écrit. La suite ? 16 ans de vie commune, jusqu’à la mort de Marguerite Duras. Il a alors 28 ans et elle, 66 !
Yann Andréa se consacrera entièrement à Marguerite ; quant à elle, elle le métamorphosera en personnage littéraire et en héros de film…



Marguerite Duras et Yann Andrea en 1991


Si vous êtes seul(e), trahi(e), abandonné (e), bref, si vous ne croyez plus à l’amour… espérons que la lecture de ces lignes vous aura un peu remonté le moral…. 

samedi 2 janvier 2016

Balzac. La mystérieuse canne de Monsieur de Balzac !

En 1834, Honoré, enivré par le succès de son roman La Physiologie du mariage, se transforme en dandy : habits coupés par les meilleurs tailleurs, dont un célèbre complet bleu à boutons d’or massif, gants « beurre frais »…


Pour compléter sa parure, il se fait fabriquer par un joaillier une gigantesque canne en jonc, au pommeau incrusté de grosses  turquoises et dont la chaînette est, murmure-t-on, confectionnée avec un collier de jeune fille d’Eve Hanska.



                               Photo du site de la Maison de Balzac, Paris, rue Raynouard

Il ne paraît plus en public sans cet étrange accessoire, clé de voûte de son élégance. La raison ?

Esthète, Balzac aime les beaux objets, surtout s’il se ruine pour les acquérir ; mais surtout, il veut faire parler de lui ! Il a bien compris que s’entourer de mystère contribuera à la publicité de ses romans ! Car tous d’épiloguer sur ce que contient le pommeau de la canne, qui s’ouvre comme un coffret : une mèche de cheveux d’Eve Hanska ? Voire un dessin la représentant toute nue ? Certains prêtent à la canne des pouvoirs magiques !



D'autres lui confèrent une signification sentimentale : Honoré l’aurait fait fabriquer pour commémorer le jour où Eve lui tomba dans les bras !



Très satisfait des rumeurs qu’il fait naître, Honoré écrit  en 1834 à Eve Hanska : 

« Vous ne sauriez imaginer quel succès a eu ma canne, ce bijou qui menace de devenir européen… Tout le dandysme de Paris en a été jaloux ! Il paraît que ce sera matière à biographie ! »



« A quoi Monsieur de Balzac doit-il sa réputation européenne ? Un peu sans doute à ses romans mais surtout à sa canne » lance rageusement Boitel, un adversaire du grand écrivain, en 1837.

La canne inspira même en 1836 un petit roman à Delphine de Girardin, La Canne de M. de Balzac (1836) : « Mais cette canne, cette énorme canne, cette monstrueuse canne, que de mystères elle pouvait renfermer ! Elle devait même renfermer ! Quelle raison avait engagé M. de Balzac à se charger de cette massue ? Pourquoi la porter toujours avec lui ? Par élégance, par infirmité, par manie, par nécessité? Cachait-elle un parapluie, une épée, un poignard, une carabine, un lit de fer ? » 


Balzac aime tellement la dépense que les créanciers le poursuivent ; pour leur échapper, en 1840, il s’installe sous un faux nom dans une petite maison à Passy. 



Cette demeure, la seule qui subsiste des logements parisiens de Balzac, verra naître de nombreux chefs-d’œuvre de La Comédie humaine : Une ténébreuse affaire, La Rabouilleuse, Splendeurs et misères des courtisanes, La Cousine Bette, Le Cousin Pons...

C’est là qu’on peut encore  admirer aujourd'hui, une Généalogie des personnages de La Comédie humaine comportant 1000 représentations sur les 6000 que compte la somme romanesque, la cafetière, objet fétiche du maître et évidemment, la mirifique canne « à ébullitions de turquoise » !



Pour finir, le bureau de Balzac dans sa maison de Passy, pièce qui fut témoin du travail de forçat d’Honoré : 
Travailler, c'est me lever tous les soirs à minuit, écrire jusqu'à huit heures, déjeuner en un quart d'heure, travailler jusqu'à cinq heures, dîner, me coucher, et recommencer le lendemain"…




Sources :
Lucien Dällenbach, La Canne de Balzac, Ed. José Corti.
Site de la Maison de Balzac, Rue Raynouard.
             Site de l’antiquaire Laurence Jantz, spécialiste de cannes anciennes.