Article de Gisèle Durero-Koseoglu
Albert et Edouard, deux soldats enrôlés dans la Guerre de 1914-1918…
Albert et Edouard, deux soldats enrôlés dans la Guerre de 1914-1918…
Tous deux survivent par miracle au
carnage mais la France, qui encense les héros morts pour sa défense, se désintéresse complètement de survivants,
les abandonnant à leurs traumatismes et les livrant au chômage et à la misère.
Et Edouard l’artiste n’est autre qu’une « gueule
cassée » !
Liés l’un à l’autre par un pacte moral,
Edouard et Albert- l’un ayant sauvé la
vie de l’autre mais en y laissant son visage- s’installent ensemble et vivent
une vie retirée du monde. Jusqu’à ce qu’un plan diabolique ne germe dans le cerveau
d’Edouard, une escroquerie que nul n’aurait pu imaginer… et qui confère au
récit le suspense d’un récit policier…
Ce roman passionnant, à la fois pathétique
et cynique, dévoile aussi, même sous forme romancée, les tristes dessous de
l’après-guerre, où des profiteurs
exploitant le chagrin des familles endeuillées organisent des trafics de sépultures. L’auteur précise dans sa
postface que si l’escroquerie conçue par
Edouard est un produit de son imagination,
le scandale des exhumations militaires est un fait historique révélé en
1922 et qu’il a étudié dans les travaux des historiens dont il donne les
références.
Un roman aux multiples facettes, récompensé
par le prix Goncourt 2013 : historique sur les souffrances des poilus et
leurs difficultés d’intégration au retour ; psychologique en ce qui
concerne les relations d’un des soldats avec son père ; policier par le
suspense entretenu autour de l’escroquerie ; satirique pour la
dénonciation du pouvoir des gradés, de la corruption et des malversations. Mais avant tout baroque et caustique, voire parfois
surréaliste.
Un roman que l’on n’oubliera pas, qui
dérange et fascine à la fois… Un chef-d'oeuvre, à mon humble avis...