lundi 16 mars 2020

Dangerosité du Covid-19 : de l’art d’embrouiller les esprits…


Lorsque le président de la république a annoncé jeudi 12 mars 2020 que les écoles fermaient pour éviter la propagation du Covid-19 sur notre territoire, en précisant que « chacun d’entre nous déteint une partie de la protection des autres »,  tout le monde s’attendait à ce qu’il reporte les élections municipales du 15 mars. Que nenni ! Après nous avoir apeurés avec des propos alarmants pour nous convaincre que nous étions en danger, le président nous a asséné la conclusion surprise :
 « Rien ne s'oppose à ce que les Français se rendent aux urnes » !



En argumentation, on appelle non sequitur ce genre de raisonnement fallacieux dont la conclusion ne suit pas les prémisses.
Le raisonnement logique aurait dû être :
-Le Covid-19 est dangereux, donc nous fermons les écoles, donc nous reportons les élections…
Mais là, coup de théâtre argumentatif :
Le Covid-19 est dangereux, donc nous fermons les écoles, donc nous maintenons les élections !
Tout cela conforté par un bel argument d’autorité : « en suivant l’avis des scientifiques »…


Samedi soir, l’annonce par le premier ministre de la fermeture à minuit des magasins, cafés et restaurants, bref, de tous les lieux « non indispensables à la vie du pays », n’a fait que renforcer le brouillamini. Voilà un beau carrosse de Cendrillon ! Vilaine citrouille à minuit et tout requinqué le matin pour aller aux urnes !


Si dans une dizaine de jours, le nombre de cas de contamination au Covid-19 a dépassé celui de l’Italie, il ne faudra pas vitupérer contre l’inconséquence des Français qui ont été des milliers à aller prendre le soleil aux Buttes-Chaumont ou sur les bords de la Seine au lieu de « rester à la maison ». Car ce sont les plus hautes sphères de l’Etat qui ont brouillé le message avec leur attitude du « Fais ce que je te dis mais ne fais pas ce que je fais »…


Photo du Nouvel Obs

La décision de maintenir les élections alors que l’OMS vient de décréter la pandémie se rangera-t-elle un jour dans la liste des grands scandales sanitaires français, après celui du sang contaminé ou celui du nuage de Tchernobyl contournant notre pays ? On peut se souvenir que le scandale du sang contaminé s’est quand même soldé par un procès pour homicide involontaire même si les accusés ont été relaxés. Et qu’on a frôlé le procès pour les mensonges au sujet du nuage atomique.
Le maintien des élections municipales, par ses contradictions, a malheureusement rendu caduque le conseil de prudence, relayé par des centaines de médecins français suppliant de reporter les élections, que voulait faire passer le chef de l’état ; comment peut-on  d'un côté demander aux gens de ne pas sortir et de l'autre leur dire qu'il n'y a aucun obstacle à aller voter ? De nombreux Français, circonspects face à cette politique du « deux poids deux mesures », ont choisi la prudence puisque le taux d’abstention aux municipales du 15 mars est estimé à 55.36 %. Mais pour les 44.6 % d’autres, le message a été galvaudé.
N’a-t-on pas vu fleurir hier soir sur les réseaux sociaux, dans les communes où le candidat a triomphé au premier tour, de belles photos de victoire où tout le staff de la mairie, conseil municipal et sympathisants, pose en donnant l’accolade au maire  (Ah, la fameuse distance de un mètre ! ) Dans une commune de la Côte d’Azur, pour annoncer sa victoire, le maire a même fait retentir la sirène d’alerte des pompiers, créant la panique chez nombre d’habitants qui ne connaissaient pas cette « tradition » locale… Il est vrai que ce matin, suite aux protestations des citoyens, on s’est empressé d’effacer nombre de ces photos donnant le « mauvais exemple »…
Espérons désormais que les « scientifiques » qui ont conseillé le maintien de cet inhabituel rassemblement de population causé par les élections et pensé que les assesseurs des milliers de bureaux de vote bureaux n’étaient pas en danger, aient eu raison et qu’on se soit alarmé pour rien… Dans le cas contraire, on ne peut que souhaiter bon courage à notre héroïque personnel de santé, dont l’abnégation quotidienne est déjà remarquable, pour aller carrément au sacrifice en affrontant la vague qui va suivre…
Seuls les jours prochains permettront de répondre à cette angoissante question.
Espérons aussi que toutes ces incohérences n’auront pas l’honneur de figurer plus tard  dans les pages des livres d'Histoire de la France au XXIe siècle...

Mon autre blog : Gisèle Durero-Koseoglu, écrivaine d'Istanbul 
http://gisele.ecrivain.istanbul.over-blog.com/


lundi 9 mars 2020

Comment la crise du Covid-19 nous contraint à méditer sur nos modes d’existence…


Un des plus beaux textes de la littérature est sans doute le très célèbre « roseau pensant » de  Blaise Pascal.

« L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature…. Une vapeur, une goutte d’eau suffit pour l’écraser »…



Car d’une certaine façon, il a l’art de remettre les pendules à l’heure ;  dans notre civilisation ultra modernisée, mécanisée, technologique, nous avons eu tendance à oublier que nous ne sommes pas les maîtres de la nature et qu’effectivement, la petite « vapeur » d’un virus, pour reprendre la métaphore pascalienne, peut avoir en quelques jours raison de notre civilisation matérialiste, de notre économie, voire de nos vies. On a cru que nos progrès sanitaires nous protégeraient désormais des grands fléaux et on se retrouve avec des médecins italiens manquant d’appareils de ventilation artificielle et devant choisir qui sauver entre un patient de 40 ans et un de 60.

Sur le plan économique, on se souvient des fameux « plans sociaux » entre les années 1980 et 2005, qui ont mis au chômage des millions d’ouvriers et surtout d’ouvrières ; personne n’a oublié les images tragiques des femmes licenciées à quelques années de la retraite et pleurant à l’entrée des usines qui fermaient. Car à cette époque, il fallait délocaliser là où la main d’œuvre était bon marché, mondialiser pour réaliser de plus grands profits, gagner de l’argent, de plus en plus d’argent, encore plus … quitte à ruiner l’économie de son pays. Aujourd’hui, suite à la pénurie de certaines substances venues de pays lointains, on réalise qu’on a « peut-être » commis une erreur en « délocalisant ». N’a-t-on pas ainsi atteint le comble de l’absurde ? De plus, on vitupère contre les migrants dénués de tout qui se pressent aux portes de l’Europe mais on ne peut même pas imaginer de manquer de pâtes ou de papier toilette, comme le montrent les razzias effectuées par certains dans les supermarchés.



La crise du Covid-19 va nous forcer à remettre en question les valeurs de notre existence ; sans tomber dans les excès de certains sociologues qui jouent les Cassandre en prédisant la fin du capitalisme tout entier, la crise économique qui se profile va faire se poser les questions essentielles. Veut-on encore d’un monde où 2153 personnes possèdent à elles seules autant d’argent que 60% de la population mondiale ? Ou les multinationales pillent les pays pauvres pour enrichir toujours plus un groupe de privilégiés ? Où l'on prive de travail des familles entières pour économiser quelques sous sur un produit que l’on envoie fabriquer au bout du monde ? Où l'on détruit systématiquement les merveilles de notre planète sans se soucier de l’héritage empoisonné qu’on lèguera à nos descendants ? Où l'on est capable de se disputer cruellement dans un supermarché pour du papier toilette ?

Si on en revient encore à Pascal, certes, « l’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature mais c’est un roseau pensant »… A nous d’exercer notre intelligence et notre humanisme pour savoir dans quel monde nous voulons vivre demain et retrouver un peu d’éthique, au lieu de se vautrer dans le matérialisme et la surconsommation…

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lundi 27 janvier 2020

Armand Oliviero : Livre-album Souvenirs de la Roya


Cela faisait longtemps que je souhaitais rencontrer Monsieur Armand Oliviero, mémoire vivante de Tende, pour lui faire part de mon admiration au sujet de son livre Souvenirs de la Roya, paru en 2012 aux Editions du Cabri.


En effet, cet extraordinaire livre-album comporte 600 documents et photographies concernant les familles, les activités et les fêtes des villages de Breil-sur-Roya, Saorge, Fontan, La Brigue, Tende et leurs hameaux. 
Photo de la Collection Oliviero
Cet ouvrage constitue une œuvre mémorielle unique pour sauvegarder le passé de la Vallée de la Roya, qui était jadis un axe de communication majeur entre la Provence et le Piémont.  Et il permettra aux amoureux de cette belle région parfois injustement oubliée d’en retrouver désormais, dans les bibliothèques, le souvenir.



Si ce livre a été rendu possible, c’est grâce aux archives et aux collections personnelles de Monsieur Oliviero. Brocanteur à l’origine, il a collecté avec passion durant une quarantaine d’années les souvenirs de la vallée, parvenant à regrouper environ 15000 objets et 10000 documents, qu’il expose dans son Musée d’Art populaire à Tende.


Notons aussi que fin 2017, pour commémorer le soixante-dixième anniversaire du rattachement de Tende et La Brigue à la France, la ville de Menton a exposé 500 précieux documents de la collection d’Armand Oliviero, dont le travail a été couronné par la Médaille du Département en 2014.  
Photo du quotidien Nice-Matin sur l'exposition

C’est donc par une neigeuse journée de janvier 2020 qu’avec mon cousin, nous nous sommes rendus à Tende pour rencontrer ce personnage emblématique de la Roya.







Très sympathique et éloquent, Monsieur Oliviero nous a fait visiter son musée et surtout découvrir  d’anciens documents, photographies d’époque et cartes postales que nous avons examiné plusieurs heures avec le plus grand intérêt.



On ne peut que rendre hommage à son travail de collection hors du commun… 
Et se procurer vite ce livre unique, Souvenirs de la Roya, avant que l'édition n'en soit épuisée.





La carte publicitaire de mon trisaïeul, Francesco Durero (1842.1906), marchand de bois à Tende, que j’ai pu acheter chez Monsieur Oliviero et dont je suis désormais l’heureuse propriétaire…




PS : Collectionneurs passionnés par la Vallée de la Roya, sachez que Monsieur Oliviero vend une partie de ses documents et cartes postales…

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samedi 11 janvier 2020

Georges Simenon à Istanbul, Arte, Invitation au voyage


C’est au mois de mai 2019 que j'ai eu le plaisir et l'honneur de participer au reportage de la chaîne Arte, "Simenon à Istanbul", destiné à l'émission "Invitation au voyage". Le temps était très orageux ce jour-là, et nous avons bien souvent failli nous envoler sur le pont du bateau.



Mais ce fut une belle journée, en compagnie de Chenel Kilinç, l’organisatrice à Istanbul (à gauche), Anne Gautier, la réalisatrice (à droite), et Gabriel, le cameraman.


Simenon à Istanbul
Georges Simenon, auteur de 192 romans et 158 nouvelles, vient à Istanbul du 1 juin au 19 juillet 1933. Arrivé de Marseille sur le paquebot Angkor, il veut effectuer, pour le quotidien Paris-Soir, une interview de Léon Trotsky qui est exilé depuis 1929 sur l’île de Buyuk Ada. Le 6 juin, Simenon prend le bateau  et part rencontrer Trotsky, qui, redoutant un assassinat, vit cloîtré dans une pièce entourée de livres et ne sort du manoir que pour aller à la pêche, comme le montrent les journaux turcs de l'époque...




Ensuite, Simenon se rend à Odessa, Batoum et Trabzon pour découvrir le monde soviétique puis revient à Istanbul et Ankara, où il prend plus de quatre cents photos. « Le tout début d’un roman, la graine, est un fait d’observation dans la rue »,  dit-il. Comme pour Zola avant lui, les photos constitueront une formidable source d'inspiration pour ses romans...
Le séjour stambouliote inspira à Simenon, qui y logeait au célèbre hôtel Pera Palas, plusieurs œuvres, dont le roman Les Clients d’Avrenos, traduit en turc par Cetin Altan en 1949, qui faisait l’objet de l’émission.


Un résumé de ma présentation du roman Les Clients d’Avrenos
Les endroits que Simenon choisit de décrire à Istanbul ne sont pas vraiment symboliques de la ville en 1933 mais plutôt des lieux appartenant au vieil Istanbul d’avant la république et qui ont déjà été évoqués dans les Voyages en Orient. Dans le roman Les Clients d’Avrenos, on semble très loin de la Turquie d’Atatürk et de la jeune république ; car en 1933, cela fait déjà 10 ans que la république existe, toutes les grandes réformes ont déjà été réalisées mais Simenon n'en parle jamais. Pour Simenon, Istanbul en 1933, c’est une ville où on loge au Pera Palas, où on se promène en caïque de nuit sur le Bosphore et aux Eaux-Douces d’Asie, où on va pratiquer le kief, s’enivrer, fumer du haschich dans un vieux "yali" du Bosphore ; c’est une image d’Istanbul déjà obsolète à son époque, une vision subjective nourrie par les récits d’écrivains-voyageurs.


Simenon décrit un monde en déliquescence, avec des personnages marginaux en décalage avec la nouvelle république ; ils appartiennent à la Turquie d’avant, ce sont des hommes de l'ancien monde, des beys, des pachas, qui ont perdu leur fortune, comme Mufti bey qui « avant la révolution, possédait plusieurs palais sur le Bosphore et des terrains immenses ». Cette dégringolade sociale les transforme en noceurs exclus de la nouvelle société qui se caractérise au contraire par la volonté des intellectuels de s'impliquer dans la nouvelle Turquie d'Atatürk. Quant au héros masculin, Jonsac, âgé de la quarantaine, accompagné de la danseuse Nouchi,  il  se définit comme « une sorte de raté qui traîne sa bohème ». Redoutant la solitude, il ne parvient pas à échapper, même s’il le souhaite, à l'emprise des membres du groupe qui le poussent à mener une vie de "patachon". Sa crise existentielle semble une métonymie de la crise de l’Europe en proie à la montée des fascismes en 1933.

Pour visionner la vidéo de l'émission, cliquer sur la barre blanche :