En 1834, Honoré, enivré par le succès de son roman La Physiologie du mariage, se transforme en dandy : habits coupés par les
meilleurs tailleurs, dont un célèbre complet bleu à boutons d’or massif, gants « beurre
frais »…
Pour compléter sa parure, il se fait fabriquer par un
joaillier une gigantesque canne en jonc, au pommeau incrusté de grosses turquoises et dont la chaînette est,
murmure-t-on, confectionnée avec un collier de jeune fille d’Eve Hanska.
Il ne paraît plus en public sans cet étrange accessoire, clé
de voûte de son élégance. La raison ?
Esthète, Balzac aime les beaux objets, surtout s’il se
ruine pour les acquérir ; mais surtout, il veut faire parler de lui ! Il a bien
compris que s’entourer de mystère contribuera à la publicité de ses
romans ! Car tous d’épiloguer sur ce que contient le pommeau de la canne,
qui s’ouvre comme un coffret : une mèche de cheveux d’Eve Hanska ? Voire un dessin
la représentant toute nue ? Certains prêtent à la canne des pouvoirs
magiques !
D'autres lui confèrent une signification sentimentale :
Honoré l’aurait fait fabriquer pour commémorer le jour où Eve lui tomba dans les
bras !
Très satisfait des rumeurs qu’il fait naître, Honoré
écrit en 1834 à Eve Hanska :
« Vous
ne sauriez imaginer quel succès a eu ma canne, ce bijou qui menace de devenir
européen… Tout le dandysme de Paris en a été jaloux ! Il paraît que ce sera
matière à biographie ! »
« A quoi Monsieur de Balzac doit-il sa réputation
européenne ? Un peu sans doute à ses romans mais surtout à sa canne » lance rageusement
Boitel, un adversaire du grand écrivain, en 1837.
La canne inspira même en 1836 un petit roman à Delphine
de Girardin, La Canne de M. de Balzac (1836) : « Mais cette canne, cette énorme canne,
cette monstrueuse canne, que de mystères elle pouvait renfermer ! Elle devait
même renfermer ! Quelle raison avait engagé M. de Balzac à se charger de
cette massue ? Pourquoi la porter toujours avec lui ? Par élégance,
par infirmité, par manie, par nécessité? Cachait-elle un parapluie, une épée,
un poignard, une carabine, un lit de fer ? »
Balzac aime tellement la
dépense que les créanciers le poursuivent ; pour leur échapper, en 1840,
il s’installe sous un faux nom dans une petite maison à Passy.
Cette demeure,
la seule qui subsiste des logements parisiens de Balzac, verra naître de
nombreux chefs-d’œuvre de La Comédie
humaine : Une ténébreuse affaire, La Rabouilleuse,
Splendeurs et misères des courtisanes, La Cousine Bette, Le Cousin Pons...
C’est là qu’on peut encore admirer aujourd'hui, une Généalogie des personnages de La Comédie humaine comportant 1000 représentations
sur les 6000 que compte la somme romanesque, la cafetière, objet
fétiche du maître et évidemment, la mirifique canne « à ébullitions de
turquoise » !
Pour finir, le bureau de Balzac dans sa maison de Passy, pièce qui
fut témoin du travail de forçat d’Honoré :
“Travailler, c'est me lever
tous les soirs à minuit, écrire jusqu'à huit heures, déjeuner en un quart
d'heure, travailler jusqu'à cinq heures, dîner, me coucher, et recommencer le
lendemain"…
Sources :
Lucien
Dällenbach, La Canne de Balzac, Ed.
José Corti.
Site
de la Maison de Balzac, Rue Raynouard.
Site de l’antiquaire Laurence
Jantz, spécialiste de cannes anciennes.
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